Les catastrophes naturelles et les désastres d’origine humaine sont l’une des grandes faiblesses de la Chine. Les unes depuis toujours – et le bon empereur était celui qui savait par des travaux hydrauliques avisés limiter les dommages des inondations et des sécheresses –, les autres depuis trois décennies, la croissance effrénée ayant transformé territoires et conditions de vie. C’est parce que l’environnement était à ce point dégradé que les autorités chinoises ont accepté de contribuer activement à la COP21.

En 2014, année pour laquelle on dispose de données assez complètes, la Chine aura connu 5 séismes majeurs, 10 inondations graves, 19 tempêtes et 3 grandes sécheresses qui ont touché plus de trois millions d’hectares. Les dommages ont été estimés à plus de 23 milliards de dollars. Et l’année 2015 s’est achevée par un vaste glissement de terrain dans la métropole industrielle de Shenzhen. Sa géologie, sa superficie et sa position géographique expliquent que les risques y sont -permanents. 

S’y ajoutent les désastres d’origine humaine qui ont installé une crise écologique systémique. Cette crise englobe la pollution de l’air : 16 villes seulement, sur 161, respectent les standards nationaux de qualité de l’air et le ministère de l’Environnement a fermé des milliers d’usines et de chantiers. La crise écologique concerne aussi les sols (20 % des terres sont contaminées) et les eaux (plan d’assainissement des fleuves d’ici 2020). On compte environ 200 accidents industriels par jour en 2014 (avec 68 000 victimes), le plus souvent hors des grandes villes. Tianjin fut un cas différent car les dommages ont affecté directement le quartier de la Zone nouvelle de Binhai, peuplé de classes moyennes. Une enquête de 2010 du ministère de la Protection de l’environnement indique que la moitié des usines (pétrochimie, raffinerie, centrale à coke, chimie et pharmacie) ne sont pas situées à la distance réglementaire prévue des habitations (plus de 1,5 kilomètre selon la législation).

Ces graves accidents sont un facteur de mécontentement public et ont débouché sur une demande de transparence et de réformes en raison du non-respect des règles de sûreté. Les volontaires de Dalian ont entamé une action contre PetroChina (2011) ; des manifestations ont eu lieu à Ningbo, à Xiamen, Kunming, Shanghai contre le danger de projets pétrochimiques. Des mesures drastiques sont attendues sur la diminution du recours au charbon et le coût de la dépollution des sols est estimé à 7 000 milliards de renminbi (1 100 milliards de dollars), soit le tiers des réserves de change de la Banque de Chine, et celui de l’air et des eaux à 300 milliards de dollars par an pendant cinq ans, montant inaccessible. 

Des incidents industriels ou naturels dans des villes modernes mais également les secousses financières et le changement de modèle économique peuvent être perçus comme une menace pour la stabilité politique, d’autant que les gestionnaires tout--puissants sont peu enclins à une remise en cause, malgré les pressions d’une lutte anticorruption sévère mais sélective. La direction politique doit « naviguer en bravant les vagues », dans un pays où les métropoles comptent des classes moyennes éduquées et connectées. 

Autant que l’économie, c’est la politique interne en 2016 qui suscite des interrogations même si les experts sont en désaccord sur les scénarios. Ainsi, à la question de savoir si le régime actuel survivra dans la prochaine décennie sans réforme politique majeure, la moitié des trente experts du panel consulté par la revue Foreign Affairs (juin 2015) le jugent peu probable, un quart ne l’excluent pas. L’un d’entre eux, David Shambaugh, estime que la fin du règne du Parti communiste chinois a commencé, que ce sera instable, qu’il y aura une lutte de pouvoir (en réaction à la lutte anticorruption) et que si le système est dur à l’extérieur, il est fragile à l’intérieur (waiying, neiruan). 

Le président Xi Jinping ne veut pas être le Gorbatchev de la Chine. Il dessine des indicateurs de vulnérabilité du régime et de faiblesse systémique du Parti : une propension des élites économiques à envisager d’émigrer en cas de problème ; un refus de toute référence publique à des « valeurs universelles » jugées occidentales (société civile, démocratie constitutionnelle, presse libre et économie néolibérale) ; une limite à la lutte anticorruption au sens où les grandes sociétés d’État résistent aux réformes. 

On rétorquera que l’État chinois a fait preuve de grandes capacités d’adaptation et que certains régimes autoritaires ont pu cohabiter avec une forme d’État de droit (de la Prusse de Bismarck au Singapour d’aujourd’hui). Reste, comme l’a écrit le président Xi Jinping lui-même, que « le problème principal est de gérer correctement les relations entre le gouvernement et le marché » (La Gouvernance de la Chine, 2014). Il n’est pas banal que des salles de marchés se développent sous l’égide d’un parti unique. 

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