Daech dispose de trois bases territoriales distinctes. D’abord en Irak, dans le « triangle sunnite » allant de Falloujah et Ramadi (conquise en mai 2014 après 18 mois d’assauts) à la région de Tikrit (la ville de Saddam Hussein, reprise en 2015 par les milices chiites) et au nord-est de Bagdad. Ce triangle est le bastion de l’opposition sunnite au régime de Bagdad après avoir été celui de la résistance aux forces américaines. C’était la base du régime de Saddam Hussein qui y recrutait fonctionnaires, politiciens et militaires ; c’est la zone qui a le plus perdu à la suite de son échec. Étendu sur trois provinces, ce triangle regroupe plus de 4 millions d’habitants. Daech s’appuie sur une partie des tribus et sur les couches pauvres des villes et des campagnes en menant des épurations contre les élites sunnites et en se présentant comme le défenseur des classes opprimées. Son assise y est solide en raison de la frustration des sunnites depuis 2003 et du manque de comba­tivité de l’armée irakienne. Ensuite, en juin 2014, Daech a conquis Mossoul, ville clé sur le Tigre qui comptait alors près de 3 millions d’habitants et qui fut désertée par le régime de Bagdad. Enfin, Daech s’est installé dans les villes de l’Est de la Syrie, le long de l’Euphrate (Rakka, conquise en mars 2013 par le front Al-Nosra, filiale syrienne d’Al-Qaïda, et prise ensuite par Daech en juin ; Deir ez-Zor, donnant accès aux zones pétrolières, où fut détruit le mémorial du génocide arménien) et vers les confins syro-turcs, offrant des voies de recrutement et d’approvisionnement. L’avancée sur Palmyre, abandonnée par les forces syriennes repliées sur la « Syrie utile » entre Damas, Homs et la montagne alaouite, est la plus récente (juin 2015).

Les conquêtes de 2014 sont donc substantielles, mais Daech a enregistré des replis : reprise de Kobané (à la frontière turque) puis de Tikrit et de Sinjar (le 13 novembre 2015 !) qui coupe l’accès direct à Mossoul. En Syrie, Daech sera vaincu militairement par la coalition internationale qui s’affirme et appuie les forces kurdes. En Irak, c’est une autre affaire en raison de l’ampleur du soutien local des populations sunnites marginalisées.

Face à un repli inéluctable en Syrie, il semble qu’une logique de réseaux se développe dans les « provinces » du « califat ». Des bases de taille plus réduite sont opérationnelles (Sinaï égyptien, Libye du Nord), des attentats sont perpétrés contre des chiites (Koweït, Afghanistan, Bangladesh, Arabie saoudite) et de véritables carnages (banlieue sud de Beyrouth et Paris) viennent d’être commis par des filières spécialisées (anti-Hezbollah d’une part, « francophone » d’autre part). Pour la France, Daech représente une double menace directe : à la fois sur le territoire national et en Afrique occidentale, dès lors que l’on observe des tentatives de formation de réseaux, à partir de la côte nord de la Libye (Syrte) en direction du sud (Fezzan), avec l’objectif de rallier des groupes djihadistes repoussés par la France hors du Mali et du Niger. 

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