Quelles que soient les époques, les migrants n’ont jamais eu bonne presse. Comme nombre de chercheurs juifs allemands et autrichiens, Einstein s’exila en 1930 vers les États-Unis, transportant avec lui une certaine idée de la science, farouchement libre et audacieuse. On le soupçonna de penchants communistes. Il ne participa pas au projet Manhattan lancé en 1939, et qui aboutit à la fabrication de la bombe atomique. Comme le rappelle Guillaume Liégard dans la revue numérique Regards.fr, son pays d’accueil se méfiait de lui. En atteste cette note du FBI : « Au vu des antécédents politiques, le présent bureau ne peut recommander d’employer le Dr Einstein sur des sujets confidentiels. Il semble improbable qu’un homme avec un tel passé puisse devenir en si peu de temps un citoyen américain loyal. » Cette défiance vis-à-vis du physicien allemand devenu suisse puis apatride puis helvético-­américain ne laisse pas de nous interroger. L’autre ne devient jamais tout à fait des nôtres. Il peut avoir quitté son pays sous le joug du nazisme ou sous le feu roulant de Daech, il reste un étranger qui dérange. Parmi les centaines de milliers de réfugiés syriens parvenus en Europe, peut-être l’un d’entre eux est-il un Einstein en puissance. Mais il est d’abord perçu comme un possible terroriste envoyé par l’État islamique. Le père de la relativité générale avait tranché : « Il n’existe, disait-il, que deux choses infinies, l’Univers et la bêtise humaine... mais pour l’Univers, je n’ai pas de certitude absolue. » 

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