Au cœur de la théorie de la relativité générale d’Einstein, il y a l’idée que les objets massifs modifient la structure de l’espace-temps. Une des manifestations de cette modification est le déplacement gravitationnel vers le rouge : deux horloges identiques situées l’une loin, l’autre près d’un objet massif avancent à un rythme différent. Le rapport entre les deux rythmes, qui peut par exemple être mesuré par une comparaison à distance des deux horloges, est indépendant de la nature des horloges. C’est une propriété de l’espace-temps qui est reliée à la différence de potentiel de gravitation aux positions des deux horloges. Loin de l’objet massif, le potentiel de gravitation est faible. À proximité, il est élevé.

Mesurer le déplacement gravitationnel vers le rouge offre un moyen de tester cette théorie fascinante qu’est la relativité générale. Au-delà de l’exploration scientifique, la prise en compte précise de cet effet est devenue indispensable à la vie de tous les jours. Les systèmes de navigation par satellite, comme le système GPS américain que chacun peut utiliser dans sa voiture, et le temps atomique international ne fonctionneraient pas si l’effet de la Terre sur la structure de l’espace-temps n’était pas pris en compte dans l’ingénierie de ces réalisations. En fait, vu la précision des horloges atomiques modernes, le déplacement gravitationnel vers le rouge apparaît comme un effet gigantesque. Par exemple, entre le sol et l’orbite d’un satellite des systèmes de navigation, la valeur du déplacement vers le rouge est légèrement inférieure à 10-9 alors que la précision relative des horloges de référence utilisées au sol dans ces systèmes est proche de 10-16. L’effet est ainsi 10 millions de fois plus élevé que la précision des horloges.

Les horloges que l’on vient d’évoquer et qui sont en service depuis dix ans comme références pour le GPS ou pour le temps atomique international correspondent à la première génération d’horloges utilisant des atomes refroidis par laser. Durant la même période, la recherche a fait émerger une nouvelle génération d’horloges encore plus performantes et toujours en cours d’amélioration. Dans ces horloges, c’est une onde laser de fréquence extrêmement stable, car stabilisée sur une transition atomique de fréquence correspondante, qui réalise la référence de temps. Ces horloges optiques atteignent maintenant des précisions de 10-18, ce qui correspond à une marge d’erreur inférieure à une seconde sur l’âge de l’Univers (14 milliards d’années). Au niveau de la surface de la Terre, le déplacement gravitationnel vers le rouge vaut 10-18 par centimètre d’élévation. Par conséquent, via la mesure de ce déplacement, les horloges optiques donnent accès à la détermination directe du potentiel de gravitation de la Terre avec une précision centimétrique. Le gain en précision débouche sur une nouvelle application des horloges aux sciences de la Terre, par une méthode au cœur de laquelle se trouve la relativité générale. 

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