L’homme délibère sur la vie et la mort depuis la nuit des temps. Jadis, il fallait avancer dans l’honneur et parfois retourner les armes contre soi. Les Romains en avaient fait un art de vivre… Plus qu’une liberté, le suicide était alors un devoir. On usait du poison et de l’épée. On maîtrisait assez bien le mode d’emploi.

Avec Hamlet, tout change. Le suicide devient un objet de réflexion et de tergiversations. On joue avec la mort pour l’apprivoiser et, finalement, la congédier : « Être ou ne pas être, telle est la question… » Shakespeare nous fait basculer dans le monde moderne. Nul code ne nous enjoint plus de tirer notre révérence. Le suicide est devenu une affaire individuelle. Un chagrin d’amour, un désespoir existentiel, une angoisse continue peuvent conduire à un geste irréversible. La volonté d’échapper à la souffrance et aux ravages d’une maladie incurable aussi. 

En vérité, l’effroi devant ce qu’on appelle la dépendance surpasse progressivement dans notre imagination celui de la mort. C’est que l’Enfer fait moins recette et cède la place au songe d’un sommeil entier et pur. Il ne s’agit pas tant d’affronter la mort que d’anticiper sur son passage inéluctable. L’euthanasie s’affiche comme une demande de confort. En abrégeant un peu sa vie, on espère soulager ses proches, s’épargner une triste fin, conserver jusqu’au bout la télécommande. Le paradoxe est que l’on veuille à tout prix embrigader l’État et la loi dans cette affaire privée. 

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