Bravo monsieur Bartolone, comme vous avez raison. Ce monsieur Macron qui se mêle de tout est vraiment dérangeant ! Il avait eu l’audace d’évoquer le temps de travail, de tourner autour des 35 heures sans le dire vraiment, tout en le suggérant. Assez pour qu’il n’y ait aucun doute sur ce qu’il pense. À peine la plaie refermée, le voilà qui recommence sur le statut des fonctionnaires.

Bigre, bigre, quelle insolence ! Oser mettre en doute le bien-fondé de la protection dont jouissent les serviteurs de l’État qui n’a d’équivalent dans aucun autre pays européen. Et oublier, qu’à défaut des voix ouvrières, nos fonctionnaires sont encore les meilleurs soutiens du parti socialiste. 

Et il n’y a pas que monsieur Bartolone qui prodigue ses conseils. Monsieur Cambadélis rêve d’un référendum avant les régionales pour que s’impose l’union de toutes les gauches, de tout et son contraire. L’idée, à peine émise, est immédiatement retoquée par ceux auxquels elle s’adresse. Madame Duflot d’un côté, monsieur Mélenchon de l’autre ont fait savoir qu’il n’en était pas question. Comment la gauche, qui a suscité tant d’espoir, a-t-elle pu en arriver là ? 

Cette rentrée n’est déjà pas si folichonne. Les imbéciles qui veulent nous enfermer dans un ghetto français, Marine Le Pen en tête, nous débarrasser de l’euro, de l’Europe source de tous nos maux, n’ont rien compris à la mondialisation. Il est vrai qu’on ne leur a guère expliqué. La donne nouvelle, c’est qu’un éternuement à Pékin entraîne une poussée de fièvre à New York. Tout se tient dans le monde. 

La banque centrale américaine, la FED, qui a toutes les raisons, au vu de la situation économique et financière des États-Unis, de relever son taux d’intérêt a différé sa décision tant elle en redoute les conséquences sur les marchés financiers. La Chine, deuxième puissance mondiale, accumule les signes de faiblesse et jouera beaucoup moins dans l’avenir son rôle de moteur de l’économie mondiale. Chez certains émergents la situation se dégrade. C’est notamment le cas du Brésil qui s’enfonce dans une crise spécifique de longue durée. 

Le FMI et l’OCDE s’accordent pour prévoir en 2016 une croissance mondiale très faible. Les risques du terrorisme liés pour une large part au développement de Daech, toujours pas éradiqué, la transmission instantanée de toutes les mauvaises nouvelles dans le monde sont de nature à répandre un climat anxiogène sur une grande partie de la planète.

Seuls les États-Unis affichent une santé exceptionnelle. En regard, au moment où nous avons plus que jamais besoin d’Europe, notre Union est sur le point de se déliter. Il n’y a plus chez les gouvernés un grand désir ­d’Europe, il n’y a plus chez les gouvernants d’unanimité sur les grands sujets. 

Étudier dans l’évolution du monde ce qui nous réunit, nous Européens, ce qui est notre spécificité, ce qui nous distingue des États-Unis, des pays du Sud-Est asiatique – notamment de l’Inde et ses performances –, est fondamental. Et rappeler que, forte de 500 millions d’habitants, l’Europe, première puissance économique, c’est 7 % de la population du globe, 25 % du PIB mondial et 50 % des dépenses sociales de la planète. Il y a là un modèle économique et social unique à préserver au-delà de toutes les divergences, sans compter le poids, ô combien important, de l’histoire. Un habitant de Prague est plus proche d’un habitant de Paris que d’un habitant de New York.

Où en est la France dans cette rentrée aussi incertaine qu’agitée ? Elle est ailleurs, dans un déni de réalité extravagant. Elle attend d’une croissance d’au moins 1,5 % l’an prochain, un retournement de la courbe du chômage. En même temps que les derniers chiffres connus parlent encore d’une croissance zéro, elle se réfugie derrière le triptyque euro faible – pétrole moins cher – taux d’intérêt bas, qui ne dépend en rien de la France et dont on n’est pas sûr qu’il soit pérenne (en particulier, les taux ­d’intérêt). 

La France aborde l’année 2016 comme un mauvais élève de la classe européenne (57 % de dépenses publiques, l’un des endettements les plus ­­élevés avec 2 100 milliards), ce qui ne serait pas trop grave si nous avions les moyens d’y faire face. Notre fiscalité sur les entreprises est décourageante au regard de celle de l’Allemagne et plus encore de la Grande-Bretagne. Le crédit ­d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) conçu par Louis Gallois n’a pas donné les résultats espérés. Le pacte de ­responsabilité, tournant social-­démocrate clôturant la première partie du quinquennat de François Hollande, indiquait la bonne direction : après le « je n’ai qu’un ennemi, la finance » du discours du Bourget, la reconnaissance de l’entreprise, seule pourvoyeuse ­d’emplois face à une administration ­pléthorique.

Face à une gauche en miettes, la droite offre le triste spectacle d’une division qu’elle peine à dissimuler. Elle a pourtant les plus grandes chances de gagner l’élection présidentielle sans intéresser vraiment des électeurs déboussolés. La plupart d’entre eux se réfugient dans l’abstention ou le soutien au Front national dont ils ne mesurent pas la nocivité du programme.

Et pourtant une lueur d’espoir.

Le souriant, sympathique autant que talentueux ministre de l’Économie paraît sortir d’un autre monde qui n’est pas celui des politiciens. Comme le dit justement Jean Peyrelevade : « Ses propositions ne sont ni de droite ni de gauche, mais simplement modernes face à une gauche archaïque. » Inventer de nouvelles liaisons inter-villes par autocar à prix réduits, c’est utile et créateur d’emplois, donc c’est populaire. Diminuer le temps de décision des prud’hommes, ce n’est pas très compliqué et cela va en partie libérer de ses inquiétudes un patronat qui hésite toujours à embaucher. Aplanir les contraintes d’une législation du travail étouffante, insupportable comme le disent Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen aux PME qui se noient dans la multitude ahurissante des normes, c’est un devoir national même si des syndicats rétrogrades et si peu représentatifs des salariés s’y opposent (7 % en tout des emplois du privé).

C’est non seulement une mission à notre portée mais un chantier qui peut être engagé dès aujourd’hui et rapidement conduit à terme. C’est une urgence. C’est surtout la chance de libérer à court terme un marché du travail asphyxié par une réglementation qui a fait les preuves de son inefficacité. 

Encore faut-il aller plus loin, car ce n’est pas seulement la lourdeur des textes ni le tabou des 35 heures (on travaille globalement 39 heures dans le privé) qui importent mais les centres de décision. Négociations sur le terrain au niveau des branches et des entreprises et qui, en cas ­d’accord, l’emportent sur une législation désuète.

Ce qui prouve que le bon sens populaire se distingue nettement des attitudes des politiciens et de leurs postures. Plus de 60 % des personnes interrogées sont favorables à ces mesures de bon sens. Il y a là un formidable encouragement à multiplier les mouvements d’opinion qui contrarient si fort nos hommes politiques de tout poil, tournés vers le passé et incapables de prendre conscience des énormes bouleversements mondiaux liés à l’explosion du numérique autant qu’à l’évolution des techniques. 

L’exécutif ne peut plus osciller entre le conservatisme venimeux de madame Aubry et la poursuite des réformes indispensables chères au ministre de l’Économie. Les précautions politiciennes de monsieur Bartolone et de monsieur Cambadélis ne sont plus de mise. 

Plus que jamais, il faut aller vite et fort car – quoi qu’en dise, avec un air de ne pas y croire, l’optimiste monsieur Sapin –, il y a vraiment le feu au lac. 

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