L’école publique, républicaine et laïque, ne s’est pas construite en France à partir des parents d’élèves ou même en collaboration avec eux, parce que, précisément, elle se voulait avant tout républicaine et laïque dans un contexte de luttes politiques et cléricales où la majorité était encore incertaine.

C’est ainsi que le grand fondateur de l’école républicaine et laïque en France, Jules Ferry, demande aux instituteurs, lors de leur congrès pédagogique du 25 avril 1881, de ­s’engager politiquement pour la République (non dans tel ou tel parti, mais à l’école même) : « Je ne dirai pas qu’il ne doit y avoir dans votre enseignement aucune tendance politique […]. Vous avez été affranchis comme citoyens par la Révolution française, vous allez être émancipés comme instituteurs par la République de 1880 : comment n’aimeriez-vous pas et ne feriez-vous pas aimer dans votre enseignement et la Révolution et la République ? »

Et cela à un moment où la République est condamnée par l’Église ; à un moment où seule une courte majorité de Français vient d’approuver le régime républicain. Il est hors de question que ce soit « négociable » avec telle ou telle fraction de parents d’élèves, lesquels sont finalement tenus à l’écart de l’établissement de l’école publique républicaine et laïque. 

Et cela durera ; car il y a parfois des moments chauds, qui apparaissent comme autant de « piqûres de rappel ». Par exemple, en septembre 1909, les cardinaux et évêques de France préconisent la création d’une nouvelle forme d’organisation, les « associations des pères de famille » : « Vous avez le devoir et le droit de surveiller l’école publique. Rien de ce qui est mis entre les mains et sous les yeux de vos enfants ne doit vous échapper : livres, cahiers, images, tout doit être contrôlé par vous. » Finalement, fin janvier 1914, la Chambre des députés vote des dispositions afin d’« assurer la défense de l’école laïque » contre les parents qui empêcheront leurs enfants de participer aux exercices réglementaires de l’école communale, ou de se servir des livres qui y sont régulièrement mis en usage. Toute ressemblance avec des événements relativement récents (mais limités) serait bien sûr purement fortuite (cf., par exemple, certaines réactions en 2014 au programme expérimental ABC de lutte contre les stéréotypes sexistes à l’école primaire). 

Dans l’enseignement secondaire public, une fédération d’associations de parents d’élèves est créée en 1910, essentiellement par des pères d’élèves de milieux bourgeois qui accordent une primauté à la famille dans l’éducation des enfants. En 1926, cette fédération est reconnue officiellement sous le sigle FAPELC (Fédération des associations de parents d’élèves des lycées et collèges). Elle se développe surtout à partir de la dernière décennie de l’entre-deux-guerres car le contexte change. Jusqu’en 1930, l’enseignement secondaire public était resté payant et les établissements étaient généralement de petite taille. Dans ce contexte, les familles n’avaient pas vraiment besoin d’être représentées pour peser. La généralisation de la gratuité qui a lieu au cours des années 1930 et l’augmentation des effectifs changent la situation : pour compter, alors qu’ils sont moins connus personnellement et qu’ils ne payent plus, les parents ont maintenant besoin d’être représentés. En 1966, cette fédération décidera d’élargir son champ à l’ensemble de l’espace scolaire et deviendra la PEEP (l’association des Parents d’élèves de l’enseignement public).

L’autre grande fédération de parents d’élèves, la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE), a une histoire et des débuts non moins significatifs de la place qui a pu être accordée aux parents dans l’école publique. Elle naît en 1947 essentiellement à l’initiative du principal syndicat des instituteurs, le SNI, qui s’efforce de trouver des alliés parmi les parents d’élèves dans sa lutte pour la laïcité et l’enseignement primaire public (et contre le camp clérical et l’enseignement privé catholique). Il ne s’agit alors nullement de favoriser au premier chef l’intervention des parents dans l’école primaire publique elle-même (et encore moins d’aller dans le sens d’une « coéducation »). Après le vote de la loi Debré en 1959 qui accorde d’importants moyens financiers publics aux écoles privées « sous contrat », la FCPE décide de s’implanter aussi dans l’enseignement secondaire public, où elle devient vite majoritaire. Après mai 1968, et au cours des années 1970, on voit de plus en plus de membres de la FCPE remettre en cause la « tutelle » de fait du SNI. Dans les années 1980, la FCPE s’émancipe finalement de ses « tuteurs » initiaux et du rôle (essentiellement limité à la défense de l’école publique laïque) qui lui avait été initialement conféré.

En 1968, les parents d’élèves entrent dans les conseils d’administration des établissements secondaires. À partir de 1975, ils sont représentés dans les conseils d’école (malgré une opposition initiale très vive du Syndicat national des instituteurs). En 1985, les parents et élèves délégués représentent un tiers des membres du conseil d’administration dans les établissements secondaires. Les représentants des parents participent aux conseils de discipline et aux commissions permanentes. Au sein des conseils d’école, les parents délégués sont en nombre égal à celui des instituteurs. Des représentants de parents d’élèves siègent dans les commissions d’appel et dans les conseils départementaux et académiques de l’Éducation nationale.

La loi d’orientation de 1989 consacre les parents comme partenaires à part entière du système éducatif, membres de la communauté éducative, associés aux projets d’établissement. La dernière loi d’orientation, celle du 8 juillet 2013, évoque même dans ses annexes la « ­co­éducation ». Et, dans la section 1, celle des « principes de l’éducation », il est formellement indiqué que « pour garantir la réussite de tous, l’école se construit avec la participation des parents, quelle que soit l’origine sociale ».

À l’évidence, les politiques scolaires proclamées et décidées concernant la place des parents d’élèves dans l’école publique ont beaucoup évolué. Mais, à l’évidence aussi, il s’en faut de beaucoup pour que ce soit une réalité effective dans tous les établissements scolaires et, surtout, pour tous les parents d’élèves. 

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