Aux États-Unis, la scolarité se divise en trois cycles assez proches du système existant en France. Dès le début de la scolarité de leur enfant, la plupart des parents américains ont les yeux rivés sur l’horizon qui importe : l’université. Et parce que l’entrée à ces universités se fait sur des critères de sélection très variés, les plus prestigieuses cherchant le « leader de demain » et « l’individu complet » plutôt que le bon élève, les parents savent que leur rôle est crucial.

En conséquence, leur investissement dans les études de leurs enfants est énorme, à la fois en temps et en argent, notamment dans les milieux privilégiés. Dans le primaire – qui compte la grande section de maternelle –, cet investissement est physiquement visible. Les parents sont invités à « travailler » régulièrement quelques heures par semaine dans la classe de leur enfant. Et leur rôle est loin d’être négligeable. L’enseignant peut leur confier une activité de lecture ou de mathématiques avec certains élèves avancés tandis qu’il s’occupe de ceux en difficulté. Il peut même aller jusqu’à leur demander de noter un devoir selon une « grille » pré­établie. « Durant tout le cycle primaire, l’enseignement est largement considéré comme un travail d’équipe enseignant-parent-élève, explique Laura Parker, enseignante de CE2, à Torrance (Californie). Chaque “partenaire” se voit même donner, en début d’année, une charte qu’il signe et dans laquelle il s’engage à remplir ses obligations respectives et nécessaires au bon fonctionnement de l’apprentissage ». 

À partir de la sixième, l’implication des parents se modifie. L’élève change constamment de classe, les parents ne peuvent donc plus être présents. Leur investissement se porte alors largement sur les activités extrascolaires : sport et musique en tête, mais aussi soutien scolaire. L’idée est bien sûr de préparer leur enfant à devenir « l’individu complet » que les universités les plus cotées vont exiger. Il ne suffit pas d’être un excellent élève pour entrer dans les universités de renom. Vous avez plus de chance d’être admis si vous êtes un étudiant moyen, mais un joueur de baseball ou de basketball hors pair, ou si vous êtes un talentueux musicien. L’attitude des parents consiste donc à « pousser » leurs enfants dans l’une de ces activités, tout en les entourant de tuteurs pour qu’ils maintiennent un niveau scolaire acceptable. 

Cette tendance s’accentue encore au lycée puisque la date d’entrée à l’université se rapproche. Les parents incitent alors leurs enfants à prendre des responsabilités, comme rédacteur en chef du journal du lycée, président des élèves ou président d’un club destiné à lever des fonds pour une cause ou une autre, ou encore à être volontaire dans l’équivalent local des Restos du cœur, etc. L’été, les étudiants sont poussés par leur famille à se porter volontaires pour des actions humanitaires en Afrique ou en Asie.

Le coût de cet investissement est énorme. « Mon budget annuel pour les leçons de musique et les divers concerts et événements musicaux auxquels ma fille participe est de plus de 6 000 dollars annuels », explique Laura Chan, mère d’une étudiante de terminale. « J’ai trois enfants, de 8, 10 et 13 ans. Rien qu’en leçons particulières, je paye environ 25 000 dollars par an », analyse Leanne Huebner. Un père assure, quant à lui, dépenser plus de 10 000 dollars (entraineurs privés, stages, voyages avec l’équipe du lycée) pour que son fils, élève de première, soit admis dans l’équipe « varsity » (la meilleure) de foot du lycée.

Et il ne s’agit là que des sommes investies à titre personnel. Dans un État comme la Californie, où l’État dépense peu par élève (environ 10 000 dollars, à comparer par exemple aux 20 000 dollars que l’État de New York débourse pour l’éducation primaire et secondaire), des organismes privés comme la Ed Foundation réclament aux parents des donations substantielles. Dans certaines communautés privilégiées, le budget annuel récolté par les donations des parents se monte à 5 millions de dollars », reconnaît Leanne Huebner, membre du comité directeur de la fondation. 

Quid alors des étudiants de milieux défavorisés ? Il existe des bourses d’État qui essaient de pallier les disparités sociales et d’implanter notamment des programmes de soutien dans les écoles à populations pauvres. En outre, les universités apprécient les étudiants « méritants » qui sont les premiers de leur famille à aller à l’université. Il n’empêche. Le fossé social est loin d’être comblé. Une étude de l’Alliance for Higher Education and Democracy (« Alliance pour les études supérieures et la démocratie ») publiée au mois de mars révèle que 99 % des étudiants de 24 ans issus de milieux favorisés (revenu familial annuel de plus de 108 650 dollars) ont obtenu leur diplôme universitaire, alors qu’ils ne sont plus que 21 % parmi les étudiants de milieux défavorisés (revenu familial annuel de moins de 34 160 dollars).

L’une des origines de ces disparités sociales n’est autre que le coût des universités. Car finalement, au-delà de tout cet argent et ce temps investis au cours des années par les parents de classes privilégiées, il faut ajouter les sommes souvent astronomiques (60 à 65 000 dollars par an) que coûte une université américaine. Sommes que les parents de milieux privilégiés ont commencé à économiser souvent dès la naissance de leur enfant. 

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