Que l’esthète de la déconstruction architecturale ait eu pour mission de bâtir un pont dans un pays renommé pour la saignée de son canal, voilà bien le paradoxe. Sous une toiture échevelée, aux couleurs quasi pyrotechniques, le Musée de la biodiversité, présenté encore comme le Bridge of Life (« le Pont de la vie ») expose toute la richesse des tropiques. Éclaté, bourgeonnant, aussi coloré qu’un perroquet local, le musée s’offre comme une plume sur le chapeau de paille d’un État se rêvant Singapour latino. 

Comme on courait hier voir le canal, on ira désormais voir le Gehry. En vérité, l’édifice est en soi une manière d’expiation, car en coupant en deux l’isthme panaméen, les promoteurs du canal ont interdit à la faune des hémisphères nord et sud de se mêler l’une à l’autre. À leur décharge, ils ont mis en contact les poissons des deux océans. Ce qui devenait impossible sur terre est ainsi devenu une obligation sous l’eau. Conscient du traumatisme, Frank Gehry joue la soudure en la dessoudant. Il juxtapose huit galeries comme autant de quartiers de ville sous un toit de bastringue technoïde bousculé par la mousson, prouvant ainsi que l’architecture est bien un urbanisme. On dit que la « starchitecte », signataire dans le bois de Boulogne du nuage cristallin de la fondation Louis Vuitton, aurait offert au Panama ses dessins, ses esquisses pour célébrer sa compagne, panaméenne d’origine. L’amour est un canal historique susceptible d’accoucher des monuments les plus bios et les plus divers. Celui du Panama s’enrichit d’un drôle d’oiseau de métal flamboyant.   

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