Le conseiller fiscal a été formel. « Avec tout ce que vous possédez, m’a-t-il dit, avec tout ce que vous gagnez, vous méritez le paradis. »

Encore fallait-il frapper aux bonnes portes. « Chacune de vos activités relève d’un paradis particulier, a-t-il ajouté. Pour votre flotte, nous choisirons le Liberia, champion des pavillons de complaisance. Vos droits d’auteur ne pourront pas être mieux défiscalisés qu’en Irlande. Les Bahamas s’imposent en matière d’e-commerce. Mais, pour le sexe en ligne, il n’y a pas photo : c’est les Tuvalu… » 

Quant à mes autres affaires, il m’a laissé le choix entre les îles Vierges et les îles Caïmans. Je me suis prononcé pour les secondes, qui m’ont paru plus délurées.

Désormais, je réside dans une demi-douzaine de paradis différents. C’est le bonheur, sous les palmiers. Des vitres teintées équipent tous les bâtiments : l’opacité des circuits est parfaite. Chaque rue compte une machine à laver géante, du dernier cri : l’argent en sort plus blanc que blanc. 

Dans ces paradis terrestres, je vois des fauves, qui me ressemblent, mais aucun serpent. On n’est plus au temps d’Adam et Ève ! Ces deux-là n’auraient pas dû investir dans la pomme.

Pour délocaliser le siège de ma société d’assurance, le conseiller fiscal avait, paraît-il, un plan d’enfer, à Dubaï. Tout feu tout flamme, il est revenu plusieurs fois à la charge. Son insistance m’a paru suspecte, et j’ai dit non. Le ton est monté. Furieux, il a fini par me lancer d’une voix menaçante : « Vous ne l’emporterez pas au paradis ! » Trop tard, mon ami : depuis ce matin, j’assure aux Bermudes. 

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