Le stress au travail fait partie des risques psychosociaux tout comme les violences au travail, ­l’injustice organisationnelle, l’insécurité du travail, la précarité de l’emploi. Ce phénomène peut être mesuré de façon précise grâce à des modèles validés et sa prévalence est élevée dans les milieux de travail en France. Il représente des enjeux de santé publique majeurs car il est la cause d’atteintes à la santé cardiovasculaire et à la santé mentale des travailleurs, comme le montre sans ambiguïté la littérature épidémiologique. D’autres pathologies pourraient également lui être associées comme les troubles musculo-squelettiques et le diabète d’après des publications récentes. Et c’est un risque évitable : certaines interventions de prévention du stress au travail ont établi leur efficacité pour diminuer le niveau d’exposition des travailleurs. Or, les impacts économiques et financiers de ce risque sont rarement mesurés et souvent sous-estimés.

Le stress au travail est défini par deux principaux modèles. Selon le modèle du job strain du sociologue et psychologue américain Robert Karasek, la combinaison d’une forte demande psychologique (liée à la quantité et à la complexité des tâches à réaliser, aussi bien qu’à la contrainte temporelle) et d’une faible latitude décisionnelle (faible autonomie décisionnelle et faible utilisation des compétences) produit des situations à risque pour la santé des travailleurs. Le modèle de déséquilibre efforts-récompenses du professeur de sociologie médicale Johannes Siegrist mesure les efforts au travail en échange de récompenses en termes de salaire, d’estime, de perspectives de carrière, de sécurité de l’emploi. Un déséquilibre entre efforts et récompenses est délétère pour la santé. Ces deux modèles, différents et complémentaires, offrent des outils de mesure validés pour faire un diagnostic de l’exposition au stress au travail dans les entreprises. 

Les résultats de l’enquête nationale Sumer 2010 en France montrent que 21% des hommes et 26% des femmes sont exposés au stress au travail selon Karasek (job strain), et que 50% des hommes et des femmes ont un faible niveau de récompenses au travail selon le modèle de Siegrist.

Les enjeux économiques associés sont très importants. Les problèmes de santé mentale sont une cause majeure d’absence au travail et de présentéisme (être présent au travail mais pas en pleine possession de ses capacités pour des raisons de santé), qui représentent des coûts élevés pour les employeurs. Il faudrait aussi estimer les coûts médicaux du stress au travail. En effet, les pathologies qui lui sont attribuables restent majoritairement non déclarées et, pour beaucoup d’entre elles, non reconnues comme maladies professionnelles par la branche accidents du travail et maladies professionnelles (ATMP), et ce phénomène n’est pas spécifique à la France. Ces coûts sont alors pris en charge à défaut par la branche assurance maladie.

Peu d’études ont tenté de chiffrer ces coûts. L’une d’elles, menée en France pour l’année 2003, estime qu’entre 9 et 10 % des cas de maladie coro­narienne et entre 9 et 11 % des décès étaient attribuables au job strain pour les hommes. Entre 15 et 20 % des cas de problèmes de santé mentale (dépression, anxiété) pour les hommes et entre 14 et 27 % pour les femmes seraient dus à cette exposition. Le coût total de ces maladies attribuables au job strain en France en 2003 se situait entre 1,8 et 3 milliards d’euros, 11 % étaient des coûts médicaux, 14 % le coût des années de vie perdues et 75 % le coût des absences pour maladie. Ces estimations mettent en lumière les impacts de ces expositions en termes de coûts et soulignent la nécessité de mettre en œuvre des interventions de prévention visant à limiter les expositions en milieu de travail. 

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