Certains regrets sont tenaces : j’aurais tant voulu devenir chef-opérateur, vous savez celui qu’on appelle aussi sur un plateau directeur de la photographie. Il paraît que souvent les actrices tombent amoureuses de ces gens-là. Pas si bêtes, elles ont bien compris que leur beauté dépend d’eux. Hélas pour ceux de ma corporation, les écrivains, la lumière célèbre mieux que les mots. 

Toute lumière est une œuvre. Voyez comme le spectacle du monde est plat, vers midi, quand les rayons du soleil se contentent de tomber droit. Il faut du relief à la lumière, de l’oblique, du contraste, du mystère. Il faut lui tenir les rênes courtes, à la lumière. Il faut lui courber la tête, il faut l’obliger à dialoguer avec l’ombre. Rien n’est jamais donné, même aux visages agréables, même aux corps dits de rêve : pour qu’ils fassent rêver, il faut les éclairer. 

Alors sans rancune, messieurs de la photographie !

Souvent, je me promène sur la Croisette, tard, très tard le soir. Je lève les yeux vers les fenêtres de vos chambres. Et voyant des lampes allumées, je me dis : voilà une femme heureuse d’être si bien regardée et voilà un homme qui, pour ce regard, a mérité d’être remercié. À caresse, caresse et demie. Ne vitupérons pas trop l’époque : je vous assure qu’il y a de la justice à Cannes. Au moins le temps du festival.

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