Pour enseigner l’histoire au collège, deux conceptions s’opposent. Ouvrons davantage les programmes sur le vaste monde, disent les uns. Finissons-en avec une mise en scène trompeuse, destinée à exalter la grandeur de la France, les sentiments identitaires et patriotiques. Ce sont les partisans de « l’histoire globale ». Ne sacrifions pas les grands événements et les grandes figures qui ont forgé la nation, répliquent les autres. Ne faisons pas ­l’erreur de tout voir à travers le prisme du colonialisme et de la repentance. Ce sont les défenseurs du « roman national ». 

Que vient faire le roman dans cette histoire ? Le recours à un mot aussi connoté entretient l’idée d’une fiction. Parler de « récit national », comme le fait Jean-Pierre Chevènement paraît plus judicieux. Encore que… Le récit est aussi bien la relation de faits vrais que de faits imaginaires, comme les contes, fables et légendes. 

Qui peut prétendre restituer exactement le passé, alors qu’un événement actuel, observé par dix témoins, sera raconté de dix manières différentes ? Et aucun recoupement n’en permettra une reconstitution parfaite. L’histoire n’est pas une science exacte. Il y a chez elle « 50 % de faits et 50 % d’imagination », affirmait François Furet, l’un des papes de cette discipline.

Finalement, dans le débat en cours, ce sont deux manières romanesques qui s’affrontent : roman national contre roman global. Devant naviguer entre les deux, apprendre l’esprit critique à ses élèves en leur transmettant sa passion du passé, le professeur d’histoire(s) est d’abord un professeur de littérature. 

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