1er septembre 1941

Rien de plus instructif que la lecture des vieilles revues. Je suis plongé dans la collection de la Revue des Deux Mondes de 1872. En cette année, à la date du 15 novembre, Paul Janet publiait un article sur « les réformes dans l’enseignement secondaire ». Il s’agissait de défendre M. Jules Simon, ministre de l’Instruction publique, qui venait d’avoir la hardiesse d’introduire l’enseignement des langues vivantes, ce qui entraînait la suppression du discours latin et de la composition latine. D’où scandale. Paul Janet pensait qu’il suffisait d’apprendre le latin pour le lire – il eût même préféré que le grec seul fût obligatoire et le latin, facultatif – et il ajoutait : 

– « Quant à ceux qui jettent un cri d’alarme, comme Monsieur l’évêque ­d’Orléans, et déclarent la culture intellectuelle perdue en France, c’est une exagération tellement évidente qu’on ne peut l’expliquer que par la passion politique, heureuse de trouver un grief de plus contre le gouvernement de la République. Platon ne composait pas de vers latins ; lui-même, s’il revenait parmi nous, serait peut-être profondément surpris que la musique ne fût plus la base de l’éducation et de la trouver réduite au rôle si secondaire d’art d’agrément, tandis qu’elle était pour lui une des colonnes de l’État. 

L’argumentation a été considérée pendant des siècles comme la forme essentielle de l’éducation ; c’est à l’école même de la scolastique qu’avaient été formés les vigoureux esprits du xviie siècle qui l’ont renversée. Toucher à l’éducation sans besoin et par système, c’est témérité ; mais y toucher sous l’empire d’une nécessité impérieuse, c’est prudence et sagesse. » 

Extrait de Souvenirs et solitude, éditions Belin, 2010

 

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