La ville n’a pas fini de nous surprendre. Haussmann avait offert l’hygiène et les grands boulevards ; Le Corbusier le confort et la démesure. Voilà venu le temps du décor urbain. Sans que l’on y prête attention, le concepteur lumière et le paysagiste sont entrés dans nos vies. Pas le jardinier, un mot bientôt passé de mode : le paysagiste qui remodèle un quartier, place des bouquets d’arbres pour couper un horizon déplaisant, crée un monticule pour moduler un aplat. Pas l’éclairagiste à l’ancienne, légitimement soucieux d’éclairer un obstacle : un concepteur lumière qui va créer des zones d’ombre, faire parler la pierre, baliser nos promenades nocturnes. 

Deux professions hier improbables, aujourd’hui indispensables. Depuis les années 1990, des dizaines d’agences sont nées. Autant de fées et de magiciens attachés à transmuer les rues, les parcs, les gares et les musées. Sur cette scène urbaine, ils réintroduisent une nature apprivoisée, si frémissante que nous la croyons sauvage ; ils jettent une lumière diffuse, si légère que nous nous y laissons prendre. C’est étrange une ville moderne, assez irréel en somme. Est-ce une illusion ? Un artifice ? D’un coup de baguette, des projecteurs sculptent une forêt mystérieuse ; d’un claquement de doigt, le ciel nocturne se vide de ses étoiles. C’est à ce prix que nous aimons la ville, curieusement réconfortés et aveugles… 

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