Nicolas Sarkozy rayonnait à l’issue du second tour des cantonales, première grande et incontestable victoire de la droite unie qui confortait sa stratégie d’union mise en œuvre depuis sa reconquête de l’UMP. Victoire qu’il peut donc s’attribuer, ce qui le renforce au sein de son propre parti en vue des primaires de 2016. Mais, pour cela, il lui faut aussi gagner les élections régionales de décembre 2015. 

Le mode de scrutin des élections régionales (scrutin de liste à deux tours, avec représentation proportionnelle) semble a priori plus favorable au FN que celui des élections départementales (binominal à deux tours) où l’on a vu que le FN n’a pas réussi à transformer les bons résultats du premier tour en victoire au second (en tête dans 343 cantons, il n’en gagne que 31). 

Au scrutin régional, les résultats du FN peuvent-ils limiter la victoire de la droite, sachant que la gauche, qui détient à l’heure actuelle 21 des 22 régions, perdra au vu des résultats des départementales plusieurs des 13 régions dessinées par la dernière réforme territoriale ? L’enjeu pour Nicolas Sarkozy est d’attirer dès les régionales une partie de l’électorat frontiste pour assurer une large victoire de la droite, qui garantirait la sienne aux primaires à l’UMP de 2016 pour pouvoir se représenter à l’élection présidentielle l’année suivante. En 2007, la radicalisation à droite de son discours avait été efficace, elle le fut moins en 2012. Peut-elle l’être de nouveau aujourd’hui ? Étant donné la géographie des résultats du FN au second tour, la réponse n’est pas simple. Si le FN a considérablement amélioré son ancrage local, celui-ci n’en reste pas moins très contrasté avec deux zones de force : le Nord et le Sud–Est. Or il ne s’agit pas du même électorat.

Dans le Nord, il vient majoritairement de la gauche ouvrière déçue par les partis de gauche et séduite par certains slogans du FN, les seuls qu’elle veut entendre : tous pourris, souveraineté nationale, protectionnisme, reflux de l’immigration, insécurité. Les duels avec le FN furent le plus souvent des duels FN-gauche (PS ou Front de gauche) qui, au second tour, sauf dans les 6 cantons du bassin minier proches de Hénin-Beaumont, ont donné une victoire, parfois de justesse, au binôme de gauche alors que le FN était arrivé en tête et que la droite avait été éliminée au premier tour. Cet électorat déçu par la gauche n’a jusqu’à présent jamais été séduit par la droite classique car, à ses yeux, elle continue de représenter les intérêts du patronat, des riches et non pas ceux du peuple, que le FN de Marine Le Pen sait désormais incarner. Ainsi, un discours politique plus libéral sur le plan économique de la part de la droite (moins d’État, moins d’assistanat social) aurait ici pour résultat de consolider encore davantage l’électorat FN ou pourrait remobiliser les abstentionnistes de gauche. 

En revanche, la situation est tout autre dans le Sud-Est où les duels ont été majoritairement des duels FN-droite, en général gagnés par la droite, le FN n’ayant remporté que 12 cantons. Dans le pourtour méditerranéen, l’électorat du FN vient surtout des rangs de la droite ; il se compose de ceux qu’a déçu une politique jugée trop sociale, trop favorable aux immigrés, trop laxiste avec les délinquants, trop étatiste. Dans le Midi, c’est donc l’annonce d’une politique plus sécuritaire, économiquement plus libérale et surtout très anti-immigrés qui serait susceptible de séduire les électeurs du Front national – une droitisation qui pourrait aussi permettre de ravir des voix au FN dans d’autres régions de France.

Mais cette « droitisation de la droite » pour attirer les électeurs du FN ne serait pas sans risque pour la stratégie d’union de la droite, la seule à assurer la présence de son candidat au second tour de la présidentielle et la victoire de la droite aux législatives. En effet, compte tenu désormais des scores élevés du FN (plus de 25 % des suffrages exprimés dans des élections locales et sans doute quelques points de plus à l’élection présidentielle en soutien à la candidate plus qu’au parti), le candidat de la droite se trouve obligé d’attirer non seulement des électeurs du FN pour devancer Marine Le Pen – ce qui sera difficile au premier tour de la présidentielle –, mais aussi, pour l’emporter, des électeurs de centre droit, y compris ceux du Modem. Or, en matière de séduction des électeurs centristes, Alain Juppé est mieux placé que Nicolas Sarkozy. C’est pourquoi il est impératif pour ce dernier avant même les primaires, c’est-à-dire dès les régionales, de renforcer l’union avec l’UDI, au prix de quelques présidences de région malgré la grogne des barons locaux de l’UMP. Une fois l’alliance scellée, il poursuivra la radicalisation à droite de ses propositions pour se démarquer de la gauche sociale-­libérale, en espérant attirer ainsi une partie des électeurs du FN, au moins dans le Midi – dans le Nord, la droite est tellement faible, voire absente du bassin minier que c’est cause perdue – et, surtout, en escomptant que les électeurs centristes, grâce à l’alliance avec l’UDI, suivront. 

Il est une dernière inconnue : quelle sera la situation de la gauche dans deux ans si la politique choisie par François Hollande s’avère bénéfique avec une reprise de la croissance, une baisse du chômage et une union de la gauche ? Au contraire, une absence de résultats probants et d’union ne faciliterait-elle pas un second tour droite-FN ?  

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