Jean-Claude Juncker vient de plaider pour la création d’une armée européenne capable de répondre aux nouvelles menaces : « Une telle armée nous aidera aussi à avoir une politique étrangère et de sécurité commune et permettra à l’Europe de prendre ses responsabilités dans le monde. » Il a raison. 

Mais dans une communauté démocratique et multinationale, convient-il de déléguer aux seuls experts et diplomates la définition de biens communs – paix, sécurité, liberté – et la diffusion de l’esprit de défense ?

En réalité, l’appel de Juncker n’est pas technique ; c’est une interpellation d’ordre politique et symbolique : susciter la conscience d’appartenance des citoyens de vingt-huit nations à un ensemble commun, ayant des valeurs fondatrices et des intérêts à protéger. Les défis extérieurs sont – l’Histoire en témoigne – un facteur de cohésion collective, comme l’éprouve, dans la douleur, la nation ukrainienne tard venue. Naguère encore, la conscription favorisait l’intégration politique des futurs citoyens par la conscience de biens et d’intérêts communs à préserver. À la seule échelle nationale. Aujourd’hui, les défis sont collectifs, éprouvés à l’échelle de l’Union européenne.

Puisque la conscription ne sera pas rétablie par les États européens (le cas lituanien est une exception), pourquoi ne pas imaginer un « Erasmus civilo-­militaire », inspiré de ce qui se fait de mieux en Europe avec la mobilité des étudiants et des apprentis, pour créer une « réserve » européenne ? Non pas un rendez-vous citoyen ni, à l’opposé, une armée de métier, mais un service civilo-militaire européen. Il durerait au moins six mois, avec cours de langue (la maîtrise de plusieurs langues est la condition du dialogue et de la compréhension des missions et des ordres), d’histoire et de géographie européennes, entraînement sportif et militaire approfondi, apprentissage des techniques de sécurité civile, séjour de terrain, de préférence sur les frontières extérieures de l’Union. Les formations théoriques et pratiques seraient dispensées dans des écoles civilo-­militaires, sur le modèle des collèges d’Europe de Bruges et de Natolin. Elles seraient ouvertes à tous les jeunes Européens, filles ou garçons volontaires, sur une base contractuelle. L’organisation géographique pourrait coïncider avec celle des groupements tactiques multinationaux, selon les ensembles régionaux.

Ce projet serait l’occasion d’une pédagogie de l’esprit de défense en toute autonomie de décision et à la seule échelle pertinente, celle de la communauté européenne des citoyens.  

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