Comment saisir cet instant ? Comment comprendre ce moment politique si étrange. À la deuxième génération, les Le Pen sont parvenus à installer très solidement le Front national dans le paysage. Le père cognait comme un corsaire ; la fille se prend pour Jeanne d’Arc et séduit le peuple. Comment cela s’est-il donc produit ? Comment un parti, si longtemps regardé avec condescendance, se retrouve-t-il porté par les votes des plus offensés, des plus humiliés ?

C’est cela qu’il faudrait cerner. Comprendre comment le Front national est devenu le parti des « sans-dents ». Comment il s’y est pris pour susciter l’adhésion, ce lien toujours mystérieux et profond en politique, des sans-diplôme, des mères célibataires et des pas-de-chance. Être devenu le parti des pauvres, cela mérite attention. Car sur un fond de grande confusion, le tableau est net. Insensiblement, le Front national a convaincu de l’impuissance de l’« UMPS », ce sigle estampillé Le Pen. Sans provoquer de remous, le FN se targue désormais d’être le « premier parti de France ». Mais le plus hallucinant n’est pas là. Le plus inouï, c’est bien que le FN, sur le terrain social, maîtrise mieux aujourd’hui la langue de la gauche que la gauche elle-même. Demandez le programme ! Le FN parle plus clair que le PS, plus fort que le Front de gauche, de manière plus percutante que le PC. On se pince… mais on ne rêve pas.  

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