C’était le 7 février 1979. Dans les jardins du Retiro qui embellissent Madrid, le leader socialiste Alfredo Guerra et quelques amis déterrèrent un buste comme on redonne vie à un demi-dieu. Il avait été dynamité en 1939 par les franquistes. Au péril de leur vie, deux jeunes militants socialistes avaient récupéré les restes du buste et les avaient enfouis en catimini, prenant bien soin de consigner sur un plan le lieu précis de la cachette. C’est ce plan qui, quarante ans plus tard, après la mort de Franco, permit à Alfonso Guerra d’exhumer la statue. Elle représentait un certain Pablo Iglesias. Non pas un homme aux cheveux attachés, mais un personnage aux allures de Grand d’Espagne, brosse blanche à la Victor Hugo, moustache conquérante et calamistrée. Ce Pablo n’était pas un perdreau de l’année : il avait vu le jour en 1850. Si cet ancien apprenti imprimeur passa à la postérité, méritant les foudres et la poudre du franquisme, c’est qu’il fut le fondateur et le premier président du PSOE, le Parti socialiste ouvrier espagnol que Felipe Gonzáles devait plus tard porter au pouvoir. Est-ce par une malice du hasard que le leader de Podemos porte le même nom, Pablo Iglesias, lui qui rêve de démolir le vieux parti social-démocrate comme le firent les sbires de Franco ? Rien ne dit qu’il réussira. Son aîné trône désormais à l’entrée du siège national du PSOE. L’issue de ce duel dans le temps est incertaine mais comme le chante un autre Iglesias (Julio) : « il faut toujours un perdant ». 

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