La victoire du parti de gauche radicale Syriza signe le rejet massif de la politique d’austérité budgétaire de l’Union européenne (UE) imposée au nom des règles budgétaires adoptées par les dirigeants des pays membres de la zone euro. On sait dans quelle situation économique et sociale catastrophique cette politique de la troïka (FMI, BCE, Commission européenne) a conduit la population grecque. On sait le prix excessif que celle-ci a payé afin d’obtenir les prêts indispensables pour faire face à sa dette colossale. 

En France, beaucoup se sont réjouis de ce résultat, du Front de gauche au Front national, en passant par Debout la France, le parti du souverainiste Nicolas Dupont-Aignant, Europe Écologie – les Verts, les frondeurs du PS (mais les dirigeants de ce parti ont salué cette victoire plus discrètement). L’hostilité envers la politique budgétaire de l’UE explique ce rassemblement inhabituel.

En revanche, compte tenu de son appartenance revendiquée à la gauche radicale, la décision de Syriza de s’allier avec le mouvement souverainiste de droite des Grecs indépendants pour avoir une majorité au Parlement a surpris. Le choix d’une alliance avec ce mouvement est peut-être le signe de la volonté de Syriza d’afficher son intransigeance quant à la renégociation des remboursements de la dette et à la relance de la croissance par l’augmentation des retraites et des bas salaires. En vérité, cette alliance ne repose que sur un seul objectif commun : la renégociation de la dette grecque. Pour Syriza, il s’agit de mettre un terme à l’insupportable situation économique et sociale de la majorité des Grecs ; pour les Grecs indépendants, il s’agit d’abord de retrouver une souveraineté nationale pleine et entière, de refuser les diktats de l’UE.

Ces deux partis ont en effet des conceptions très différentes, voire opposées, du devenir de la société grecque. Les Grecs indépendants sont proches de l’Église orthodoxe quand Syriza cherche à supprimer ou du moins à atténuer l’influence de l’Église sur la conduite de l’État. Les Grecs indépendants sont hostiles à l’immigration clandestine quand Syriza prévoit de régulariser les clandestins. Les Grecs indépendants sont hostiles à tout rapprochement avec la Turquie quand Syriza développe une approche beaucoup plus pragmatique.

La particularité de Syriza comme du parti espagnol Podemos, héritier du mouvement des Indignés, est de s’opposer fortement à la politique budgétaire de l’UE. Pour le reste, ces formations ne sont pas souverainistes comme les partis d’extrême droite des pays européens. Ce ne sont pas des nationalistes ardents prêts à fermer les frontières, à bloquer l’arrivée des travailleurs migrants et des produits étrangers accusés de faire une concurrence déloyale aux travailleurs et produits nationaux. Syriza et Podemos ne font pas de l’arrêt de l’immigration un objectif central de leur politique, mais, tout au contraire, ils associent les migrants aux nationaux dont ils veulent améliorer l’existence.

Les partis qui s’opposent à la politique économique de l’Union européenne sont donc loin de partager les mêmes idéaux. Il apparaît que les partis d’extrême droite des pays du Nord de l’UE (Royaume-Uni, Suède, Danemark, Finlande, Pays-Bas, Allemagne) sont hostiles à l’UE au nom de la défense de la souveraineté nationale, affaiblie par la libre circulation des biens et des personnes : les États ont perdu le contrôle de leurs frontières, et ils laissent entendre que l’immigration qui en résulte représente une menace pour l’identité nationale. Dans les pays du Sud de l’UE (Grèce, Espagne, France, Italie), le rejet de la politique menée par Bruxelles s’exprime aussi dans des partis de la gauche radicale. Mais le Front de gauche est loin d’obtenir un succès électoral comparable à Syriza.

Dans ce nouveau contexte, le gouvernement français a l’opportunité de mieux se faire entendre de la nouvelle Commission européenne qu’en juin 2012. À cette époque, François Hollande n’avait pu obtenir de la chancelière allemande et de l’UE la renégociation du pacte budgétaire européen. 

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