La corrélation entre la montée des extrêmes et les mesures d’austérité est trompeuse car la crise a en même temps engendré une réponse austère et exacerbé les mécontentements. Le mouvement Pegida est né dans une Allemagne relâchant son austérité issue des lois Hartz de 2003-2005, en particulier avec la mesure emblématique de création d’un salaire minimum à 8,50 euros de l’heure à partir du 1er janvier 2015. À l’opposé, il semble que certains partis extrémistes aient vu leur cote de popularité monter suite à un recentrage. Le changement de leader au Front national a contribué à lisser le discours : toujours très virulent en apparence à l’encontre des partis habitués au pouvoir, sa charge extrémiste s’est néanmoins estompée.

En Grèce aussi, Syriza, étiqueté « gauche radicale », s’est recentré au cours de la campagne jusqu’à s’en tenir à un programme assez proche de celui du Pasok au début de la crise. Le nouveau ministre des Finances, Yanis Varoufakis, est d’ailleurs un ancien conseiller de Papandréou. Modeste proposition pour résoudre la crise de la zone euro (Les Petits Matins, 2014), le livre qu’il a écrit avec son collègue à l’université du Texas, James Galbraith, et Stuart Holland (ancien membre de la chambre des communes britannique et ancien conseiller de Jacques Delors), avance des solutions à la crise tout à fait modérées. Il ne remet en cause ni l’impossibilité de la BCE de monétiser la dette ni le refus par droit de veto des États excédentaires de garantir la dette des autres.

Il n’y a pas de marge de manœuvre budgétaire en Grèce pour augmenter les dépenses sans augmenter les recettes. La déflation qui suivrait une sortie de l’euro pourrait certes améliorer à long terme la balance commerciale grecque. Mais cela créerait à court et moyen termes un choc de pouvoir d’achat plus important que les baisses de salaires précédemment consenties. Le quart de la consommation est importée, on verrait donc les prix de ces marchandises s’envoler, avec un effet induit sur les productions locales lié à l’augmentation du prix des intrants, dont l’énergie.

Reste à négocier des rabais ou délais de remboursement. L’acceptabilité dépend des réformes mises en place. Une des raisons pour lesquelles la Grèce en est là, c’est sa faible capacité à prélever des impôts. La France se permet un des niveaux de dépenses publiques les plus élevés du monde parce qu’elle parvient à prélever les ressources fiscales pour le faire. Une réforme globale de la fiscalité doit faire partie du programme grec. Si est mis en place un système de transferts qui prélève – de préférence sur ceux qui en ont les capacités – les ressources pour financer une couverture sociale répondant à la « crise humanitaire » dénoncée par le nouveau Premier ministre grec, alors il serait souhaitable que le reste de l’Europe apporte son aide – notamment financière – pour faciliter cette transition. Une hausse du salaire minimum et des minima sociaux pourrait faire partie de cette réforme. En revanche, une baisse d’impôt touchant également des contribuables solvables serait plus problématique.

Le traitement de la taxe foncière – une taxe impopulaire que de nombreux Grecs n’ont pas payée en prévision d’un éventuel cadeau d’intronisation – sera crucial. La valeur des logements habités augmentant moins vite que le revenu des ménages qui les habitent, les taxes foncières sont généralement des impôts régressifs (quand une part substantielle de la population est propriétaire de son logement, comme c’est le cas en Grèce). Il peut alors être fondé de modifier cet impôt, soit à travers un barème progressif, soit par incorporation dans une taxe plus globale sur le patrimoine. En revanche, une baisse sans compensation « en haut » de la distribution des revenus serait un bien mauvais présage, malheureusement en adéquation avec l’alliance opérée avec la droite nationaliste. Il faut augmenter la fiscalité sur les plus aisés pour compenser la diminution « en bas » des revenus distribués. 

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