Ce que j’aimerais te dire, fiston, tient en trois mots. Oui, trois mots seulement, mais qui résument tout ce que l’on m’a appris, tout ce que je crois, tout ce que le monde expérimente en bien ou en mal depuis des millénaires, et que chacun de nous devrait idéalement appliquer dans sa vie quotidienne. Bien que gravés au fronton de nos bâtiments publics, ces trois mots immenses – liberté, égalité, fraternité – n’ont rien perdu de leur force.

Il y a encore trente ou quarante ans, des enseignants respectés t’auraient expliqué en classe, sans crainte d’être interrompus, moqués ou insultés, tout ce que recouvrent de tels principes et combien il a fallu d’efforts et de sang versé pour les obtenir. Nous aurions pu en débattre à tête reposée, entre nous, en famille, sans être continuellement perturbés par des interventions extérieures. Mais un flot incessant de textes, de sons et d’images s’engouffre maintenant dans la maison, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Aucune porte, aucun mur ne peuvent l’arrêter ou le filtrer. On y trouve le pire et le meilleur, déversés en vrac, sans aucune hiérarchie. Tout le savoir du monde est ainsi à ta portée, mêlé à des jeux, de la pornographie, des mensonges et des appels au meurtre. Nous n’avons guère de prise, ta mère et moi, sur ce déluge, qui te fascine et relativise considérablement nos propos et ceux de tes professeurs…

M’entends-tu ? Pourrais-tu, s’il te plaît, détacher tes écouteurs, cesser de manipuler cet appareil, quitter un instant ton écran des yeux ? Nous avons tant de choses à nous dire ! 

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