Cela fait longtemps que j’ai cessé d’adresser mes vœux à mes amis à l’occasion de la nouvelle année. Ce n’est pas un manque de civilité, c’est un excès de prudence. À ceux que j’aime, je n’attends pas une telle occasion pour dire que je les aime. C’est tous les jours que je pense à eux et que je m’inquiète pour leur vie. C’est tous les jours qu’il faut tendre la main et le cœur à l’être aimé. C’est tout le temps qu’il faut songer à être présent quand ceux qu’on aime ont besoin de vous. En amour comme en amitié, il faut éviter les clichés (le pire, ce sont les vœux du président de la République), faire en sorte que la relation ne devienne platonique, encombrée de paroles et de mots qui tombent comme des feuilles d’automne, donner sans rien attendre en retour (donner, c’est recevoir), être là dans la gratuité absolue et dans l’amour simple parce que vrai. A-t-on besoin pour cela d’arracher un arbre et de le décorer d’étoiles en papier brillant ? 

Je présenterai mes vœux à mes amis le jour où je serai certain et surtout capable de les aider à les réaliser. Sinon, ce sera une prière, une errance dans la forêt rongée par des souhaits en déshérence. 

Je ne suis marchand d’aucune certitude. À quoi bon creuser avec des paroles, même si elles sont parfumées, le sillon des illusions ? Nous savons tous à quoi nous en tenir quant à la capacité qu’a l’homme de détruire son prochain. Nous vivons dans un monde et en une époque où la brutalité et la malveillance ont remplacé les valeurs d’humanisme et de solidarité. 

Les vœux, c’est de la fumée. Il vaut mieux pour être cohérent le savoir. Ce n’est pas du pessimisme. La douleur du monde est une réalité qui nous regarde et nous concerne. Sur un plan plus modeste, sur le plan privé, rien ne nous empêche de combler de vœux et de présents ceux que nous aimons, que ce soit à l’occasion d’une fin d’année ou à l’apparition du soleil après un long hiver. 

Cela étant, je formule moi aussi un vœu, un seul : soyons attentifs à l’arbre et l’eau pure qui portent notre destin vers la lumière. Ce n’est plus un vœu, c’est un ordre. 

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