Quel a été l’apport du régime carné dans l’évolution du ­métabolisme humain et du développement cérébral ? Si la question fait ­l’objet d’intenses débats, l’étude des modes alimentaires des premiers hommes, il y a 2,5 millions d’années, révèle qu’ils ne pouvaient atteindre de gros animaux : ils consommaient la viande prélevée sur des carcasses dont la conservation était aisément assurée dans leurs lieux de résidence – la savane arborée ou près de l’eau. « Avec son silex tranchoir, Homo habilis peut accéder à la moelle, la cervelle, découper la langue. C’est ainsi que la viande entre dans la stratégie alimentaire », explique l’anthropologue Pascal Picq dans un entretien avec Aline Périault publié sur le site La Nutrition.fr.

Cela a-t-il eu des conséquences sur l’évolution des hominidés ? Oui, affirme Leslie Aiello dans son livre Découvrir les origines de l’homme (Éditions du Fanal, 1982). Selon la paléontologue britannique, la consommation de viande aurait allégé le coût métabolique de la digestion et permis le développement du cerveau. De nouveaux nutriments (lipides animaux, sources d’acides gras « essentiels », et protéines animales utiles au système immunitaire) ­auraient été assimilés par l’organisme des australopithèques, ­venant modifier progressivement leur patrimoine génétique ­coutumier du régime végétarien.

D’autres facteurs que la viande ont joué dans notre évolution, comme l’usage du feu qui a facilité la cuisson des végétaux et l’assimilation de molécules favorables à l’encéphalisation. La pratique de la chasse, le changement des modes de consommation et la digestion de ces nouveaux apports alimentaires ont aussi impacté la musculature, la dentition et le squelette tout autant que le système musculaire et le cerveau de nos ancêtres.

Il reste que les paléontologues sont unanimes sur un point : la consommation de viande et la chasse ont surtout participé au développement de notre capacité d’abstraction. Le paléolithique est caractérisé par ­l’apparition d’une réflexion qui permet d’anticiper une activité ultérieure (la chasse) et de fabriquer, en conséquence, des outils de plus en plus ­sophistiqués pour la réaliser. L’évolution vers un régime carné marque donc l’apparition d’un nouvel état de la conscience animale, une forme de raisonnement à ­l’origine du développement des lobes supérieurs du cerveau – centres de l’intelligence, du langage et de la conscience. Conséquence directe : de 400 cm3 chez l’australopithèque (- 3,2 millions d’années), le cerveau atteint les 1 000 cm3 chez Homo erectus (- 1,6 million d’années), puis 1 500 cm3 chez Neandertal et Homo sapiens (- 200 000 ans). 

Mais avec le temps, les pratiques de chasse ont laissé place à l’élevage, dont les développements se sont accompagnés de nombreuses dérives qui industrialisent le vivant. L’homme s’accommode désormais officieusement d’une vision spéciste du monde (discrimination fondée sur le critère de l’espèce) et revendique ainsi une supériorité assumée… Cet argument n’échappe d’ailleurs pas à ceux qui travaillent désormais sur la création de viandes de laboratoire garanties sans souffrance animale. Aux Pays-Bas, on nous mijote un « Frankensteak » qui devrait arriver sur les étals en 2020. Ses ingrédients ? Un composé organique cultivé agrémenté de poudre d’œuf, de chapelure, de sel, de jus de betterave et de safran. 

Capacité d’abstraction…? 

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