Redresser la France, c’est deux choses : créer plus de valeur ajoutée sur notre territoire ; capter de la valeur ajoutée ailleurs dans le monde. Nous en sommes loin. 

D’autres pays ont su saisir une opportunité : la révolution numérique. Comme toute révolution technologique, celle-ci est née dans une bulle spéculative, qui a certes ruiné quelques investisseurs en 2000, mais a aussi mis en place un nouveau paradigme de croissance et donné naissance à de nouveaux géants industriels. Google, Amazon et, d’une certaine manière, Apple sont de purs produits de la bulle technologique des années 1990.

Parce qu’ils se diversifient dans toutes les filières et les transforment les unes après les autres, ces nouveaux géants remettent en cause les positions des entreprises en place, détruisent les emplois de l’ancienne économie et changent la manière de créer de la valeur. Ils jouent aujourd’hui un rôle central dans le déploiement de la puissance économique américaine. 

Si la valeur ajoutée déserte la France, c’est parce qu’elle a échoué à faire grandir elle aussi des géants numériques. Nous n’avons pas su promouvoir l’innovation de rupture, pourtant un impératif stratégique dans cette phase de destruction créatrice. Faute de s’être positionnée sur le front de l’innovation, la France pourrait devenir une « colonie numérique » – un marché de débouchés pour des géants américains et chinois qui capteront la valeur créée sur notre territoire pour la concentrer chez eux.

Une révolution technologique débouche toujours sur une longue période d’expansion économique. L’âge d’or de l’économie numérique se profile déjà. Toutes les filières de l’économie sont concernées à terme : la publicité, les contenus, le voyage, hier ; l’automobile, le luxe ou la santé, aujourd’hui ; tôt ou tard, le numérique dévorera aussi l’énergie, le BTP ou l’agriculture.

Or les débats de politique économique nous confrontent à des alternatives du passé : entre la stabilisation néoclassique et la relance keynésienne ; entre le laisser-faire généralisé et la protection des travailleurs de la production de masse. Depuis trente ans, nous baissons le coût du travail, rendons la protection sociale moins généreuse, protégeons les positions des entreprises déjà installées. Nous n’embrassons pas le nouveau paradigme, mais cherchons à optimiser l’ancien. 

Notre conception de la richesse des nations est dépassée. Il reste peu de temps pour nous doter d’une politique économique adaptée à la transition numérique : soutenir les entreprises innovantes face aux entreprises en place, redéployer la protection sociale pour qu’elle couvre les nouveaux risques sociaux, allouer l’épargne au financement de l’innovation de rupture plutôt que de la laisser s’engloutir dans les actifs immobiliers. Aucune de nos élections présidentielles ne s’est jamais décidée sur ces thématiques. Celle de 2017 peut être la répétition du passé… ou l’amorçage du redressement.

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