C’est mon métier, mon plaisir : moi, je raconte des histoires. Aussi exactes que possible – dans des articles, des essais, des conférences – ou complètement inventées, dans mes romans. 

Ce goût du récit, je le dois à mon environnement familial. Mais je ne sache pas qu’un conseil de famille se soit réuni un jour pour décréter : « Il faudrait transmettre à ce garçon le goût du récit. » 

Chez nous, en Égypte, on parlait, on parlait… On parlait en français, en arabe, un peu en anglais, glissant d’une langue à l’autre. C’était une facilité, pour ne pas dire une paresse : on prenait le premier mot qui venait ; au lieu de chercher le bon verbe en français, on piochait un équivalent en arabe, quitte à le conjuguer au passé composé ou au plus-que-parfait. 

Les réunions ­familiales étaient bruyantes, ­désordonnées, ponctuées de rires et de cris. C’était une affaire d’adultes : les enfants buvaient les paroles de ces conteurs qu’ils ne tarderaient pas à imiter. On brodait, on exagérait un peu, on inventait au besoin. Dans nos bouches, la moindre chute de ­bicyclette prenait des allures ­d’épopée. 

Par la suite, j’ai découvert le goût du mot juste, pour décrire le plus exactement possible un bruit, une odeur, une saveur ou une émotion. Ce goût-là m’a été transmis par la volonté délibérée de certains enseignants de faire partager leur savoir et leur passion. Les noms de ces professeurs de langue ou de littérature restent gravés dans ma mémoire. À eux aussi, comme aux conteurs de mon enfance, je suis profondément reconnaissant. 

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