Aujourd’hui, 7 septembre, a lieu la grande représentation du sacre d’un sultan.

Abd-ul-Hamid, à ce qu’il semble, est pressé de s’entourer du prestige des Khalifes ; il se pourrait que son avènement ouvrît à l’islam une ère nouvelle, et qu’il apportât à la Turquie un peu de gloire encore et un dernier éclat.

Dans la mosquée sainte d’Eyoub, Abd-ul-Hamid est allé ceindre en grande pompe le sabre d’Othman.

Après quoi, suivi d’un long et magnifique cortège, le sultan a traversé Stamboul dans toute sa longueur pour se rendre au palais du vieux sérail, faisant une pause et disant une prière, comme il est d’usage, dans les mosquées et les kiosques funéraires qui se trouvaient sur son chemin. 

Des hallebardiers ouvraient la marche, coiffés de plumets verts de deux mètres de haut, vêtus d’habits écarlates tout chamarrés d’or.

Abd-ul-Hamid s’avançait au milieu d’eux, monté sur un cheval blanc monumental, à l’allure lente et majestueuse, caparaçonné d’or et de pierreries.

Le cheik-ul-islam en manteau vert, les émirs en turban de cachemire, les ulémas en turban blanc à bandelettes d’or, les grands pachas, les grands dignitaires, suivaient sur des chevaux étincelants de dorures, – grave et interminable cortège où défilaient de singulières physionomies ! – Des ulémas octogénaires soutenus par des laquais sur leurs montures tranquilles montraient au peuple des barbes blanches et de sombres regards empreints de fanatisme et d’obscurité. Une foule innombrable se pressait sur tout ce parcours, une de ces foules turques auprès desquelles les plus luxueuses foules d’Occident paraîtraient laides et tristes. Des estrades disposées sur une étendue de plusieurs kilomètres pliaient sous le poids des curieux, et tous les costumes d’Europe et d’Asie s’y trouvaient mêlés.

Sur les hauteurs d’Eyoub s’étalait la masse mouvante des dames turques. Tous ces corps de femmes, enveloppés chacun jusqu’aux pieds de pièces de soie de couleurs éclatantes, toutes ces têtes blanches cachées sous les plis des yachmaks d’où sortaient des yeux noirs, se confondaient sous les cyprès avec les pierres peintes et historiées des tombes. Cela était si coloré et si bizarre, qu’on eût dit moins une réalité qu’une composition fantastique de quelque orientaliste halluciné.  

Extrait d’Aziyadé, 1879

 

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