Interrogé trois jours après le premier tour de l’élection présidentielle de 2002 sur la place qu’il avait accordée au thème de l’insécurité pendant sa campagne, Jacques Chirac eut beau jeu de répliquer : « Vous savez, je regarde aussi […] les journaux télévisés. Qu’est-ce que je vois depuis des mois, des mois et des mois : tous les jours, ces actes de violence, de délinquance, de criminalité… C’est bien le reflet d’une certaine situation. Ce n’est pas moi qui choisissais vos sujets. » Espérant faire oublier qu’elle avait elle aussi beaucoup racolé sur le même thème (en juillet 2001, Le Monde distribua aux kiosquiers des affichettes hurlant « Insécurité : alerte ! »), la « presse de qualité » accabla la télévision de ses leçons de morale. En même temps, elle divulgua certains chiffres révélateurs : entre le 7 janvier 2002 et le second tour de l’élection présidentielle, les journaux télévisés avaient consacré 18 766 sujets aux crimes, jets de pierre, vols de voiture, braquages, interventions de la police nationale et de la gendarmerie, instructions judiciaires relevant du droit pénal. L’insécurité fut ainsi médiatisée deux fois plus que l’emploi, huit fois plus que le chômage. Selon les estimations du ministère de l’Intérieur, aucune augmentation du nombre des crimes et délits n’avait cependant été constatée pendant la période.  

 

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