Véritables machines à fabriquer l’opinion avec la complicité des sondages, les médias vivent dans l’illusion qu’ils pèsent sur le comportement des électeurs. Tout, pourtant, démontre le contraire. L’opinion n’est qu’une bulle déconnectée des courants qui forgent les votes dans les tréfonds de la société. 

Exemples. En 2005, le couple médias-sondages défend le « oui » au référendum sur la Constitution européenne et prédit son succès. Le camouflet est cinglant : le 29 mai, 54,87 % des Français disent « non ». Depuis l’émergence du Front national aux élections municipales de 1983, le tandem n’a cessé de pilonner l’extrême droite. Voici pourtant que sa candidate est proche de se qualifier le 23 avril prochain pour le second tour de la présidentielle. Remontons à janvier 1995 et au fameux article du politologue Jérôme Jaffré sur le triomphe annoncé d’Édouard Balladur : « Pour l’opinion, l’élection est jouée. » Trois mois plus tard, Jacques Chirac est président ! L’opinion a adoré Michel Rocard, Édouard Balladur, Ségolène Royal. Les électeurs ont choisi François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy. À la veille de la primaire de la droite en 2016, le couple médias-sondages ne jurait que par Alain Juppé ; François Fillon s’est imposé.

En vérité, les médias ont peu d’influence dans leur exercice désormais favori : le point de vue. Le besoin des chaînes dites d’information a décuplé le flot des commentaires. Ce bavardage en continu fait passer au second plan ce qui devrait être l’activité principale des médias, et pèse parfois sur les scrutins : l’information. Le passé le prouve. À la suite du décès du président Pompidou, Jacques Chaban-Delmas fait figure de favori de la présidentielle d’avril 1974, mais il est plombé par sa feuille d’impôt dévoilée deux ans plus tôt par Le Canard enchaîné. Elle montre que, grâce au recours à la disposition légale de l’avoir fiscal, sa note est très légère. Le Canard enchaîné, encore, avec l’affaire des diamants de Bokassa qui coûtera si cher à Giscard en 1981. Le Canard toujours avec les rémunérations diverses de la famille Fillon. Les médias devraient méditer leur propre histoire : le commentaire s’envole, l’information seule imprime les esprits. 

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