Ce n'est pas un engin banal. Parquée à l’abri, dans un local politique, la machine à perdre ne sert que dans les grandes occasions, pour des parties de campagne.

Sa particularité est de compter plusieurs machinistes qui l’actionnent en même temps dans des sens différents. Cela provoque des craquements, puis des crissements de plus en plus insupportables qui témoignent de son bon fonctionnement. Le manque de coordination des opérateurs est essentiel : chacun doit tourner sa manivelle et activer ses pistons en parfaite autonomie, sans se soucier du voisin, sinon pour lui mettre des bâtons dans les roues.

C’est une machine de théâtre, qui permet des changements de décor et des effets spéciaux pour nourrir l’illusion du spectacle. C’est surtout une machine de guerre, qui peut se transformer en machine infernale. Multifonction, elle sert aussi bien à déboulonner qu’à laminer et à broyer. Raboteuse, trancheuse ou rogneuse, elle sait à l’occasion se faire dégauchisseuse pour redresser une courbe ascendante. Une fumée noire s’en échappe pendant des semaines. Elle ne vire au blanc que lorsque le plus rusé des mécaniciens a réussi à poignarder les autres.

L’efficacité de la machine à perdre n’est plus à prouver. Bien lubrifiée, elle démarre au quart de tour et ne s’enraye jamais. Avec elle, on a l’assurance d’aller droit dans le mur. Tout risque de victoire est exclu. 

Pourtant, elle essuie bien des critiques. Ceux-là mêmes qui ont mis le doigt dans l’engrenage tombent sur elle à bras raccourcis. Ce sont les machinistes qui crient à la machination.

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