L’homme politique – car il s’agissait d’un homme – a vécu au XXe siècle comme un descendant des anciens notables, voire des aristocrates, dans notre monarchie républicaine. Grosse voiture sombre, costume ajusté, cravate aux couleurs de son camp, assistante charmante… Tous les signes extérieurs de pouvoir et de richesse, qu’il imitait des grands patrons, des préfets et des sous-préfets. Une résidence sur la Côte d’Azur ou un petit château rural à droite, une ferme restaurée dans le Luberon ou à l’île de Ré à gauche. On était honnête, mais – car il y a un mais – assurer son train de vie passait pour un moyen de signifier aux électeurs que, si on savait y faire pour soi-même, on saurait y faire pour eux. Les communistes seuls restaient dans leurs HLM. Parfois, certains élus FN reprennent la tradition. 

Or il se trouve que cette véritable culture de classe – et là, le mot est précis –, issue des anciennes cours, a implosé avec la révolution numérique et collaborative. Non que l’éthique ait triomphé brutalement, mais le monde est devenu transparent, la communication et la rumeur incontrôlables. Surtout, ce modèle masculin et macho, cette quête de statut à vie, cet entre-soi lentement élaboré se sont ringardisés. Ils font vieux, déconnectés, bourgeoisie de province. Le temps est aux start-up, aux open spaces, aux ordinateurs portables, aux réunions assis par terre, aux hommes mal rasés et aux filles en pantalon. Le sens de l’action prime la fidélité à une doxa ou à un parti, une vie épanouie fait plus rêver qu’une grosse berline ou un petit château. 

Le drame de notre vie politique est que trop de candidats sont de l’ancien temps. C’est à la justice de désigner les malhonnêtes et les autres, mais l’opinion publique, elle, a déjà tranché. Elle veut du plus jeune, ou du faux neuf. Pas un candidat normal en Vespa, mais un leader branché low cost, tramway et Apple en somme, et, en même temps, providentiel. Le macho bien cintré qui fait taire son épouse officiellement conseillère est hors film. Il incarne une politique de cour qui n’a plus cours ! L’avenir est déjà là, mais à trop vivre entre soi, nombre d’élus ne l’ont pas vu arriver.  

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