Un habitant d’Aubervilliers, 18 ans.

"Un matin de janvier, à 6 heures, le chien s’est mis à aboyer. Ma mère et ma sœur se sont levées pour le calmer. Elles ont regardé à travers le judas de la porte, c’était tout noir. Les flics avaient mis du sparadrap. J’ai entendu des cris, je me suis levé. La porte de l’entrée était défoncée. Quatre flics cagoulés, avec des gilets pare-balles et des fusils à pompe, ont allumé de grosses lampes torches. Ils ont tiré mon petit frère du lit et nous ont mis par terre. Un flic m’a écrasé la tête avec son pied et m’a dit : « Comme dans Call of Duty, mon pote »– c’est un jeu de guerre. Les autres démontaient tout, ils ont fait entrer un chien. Ils étaient une dizaine, c’était toute l’équipe des stups : le commissaire, le chef des stups, deux policiers en civil, un flic normal et les quatre cagoulés. Ils m’ont dit que ma sœur était la « nourrice », celle qui cache la drogue. Ils n’ont rien trouvé. On n’avait rien à voir avec cette histoire. Ils l’ont embarquée, et moi aussi, une demi-heure plus tard. Ils ont défoncé la porte de mes voisins au pied de biche parce qu’ils ne répondaient pas. Ils n’étaient pas là. Le policier en civil m’a montré la photo d’une personne que je ne connaissais pas. Il m’a dit : « Je sais que tu le connais, c’est le gérant de cette cité. » C’était pas une question de sa part, c’était une affirmation. Il m’accusait de dealer. Au poste, on m’a fouillé, on m’a demandé si j’avais besoin d’un médecin. Je me suis retrouvé avec deux mecs en garde à vue pendant plus de 24 heures. Je connaissais le premier, c’est un mec à embrouilles. Il a sorti un briquet et a commencé à brûler la fenêtre. Alors les flics nous ont sortis de la cellule, tous les trois, ils nous ont mis à poil, accroupis. Ils ont pris le mec, ils l’ont mis dans une salle. J’entendais des coups. Il est ressorti décoiffé et l’oreille rouge. Ils m’ont relâché quand mes parents ont appelé un avocat. Du début à la fin, j’ai ressenti une énorme injustice. La police est là tous les jours, dans ma cité. Ils patrouillent en voiture ou à pied, en groupe de dix. Je n’avais jamais eu affaire à eux avant ça. Mais depuis je ne les aime pas. Je suis énervé. Récemment, on a brûlé des poubelles pour les faire chier. Ils ne sont pas venus, seulement les pompiers. Je voulais aller aux émeutes de Bobigny mais, finalement, ma sœur m’a dit de ne pas y aller."  

 

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