Réformer la fonction publique ? Oui, bien sûr ! Concentrons-nous sur la fonction publique d’État et ses 2,4 millions d’agents. Les problèmes sont innombrables. Il y a d’abord les métastases de la bureaucratie – avec des administrations centrales redoublées en cascade par des administrations régionales et locales. Cela vaut pour tous les ministères. Exemple, et pas des moindres, le ministère de l’Éducation nationale. Les rectorats relaient et redoublent la paperasse de l’administration centrale. Ces services justifient leur existence en bombardant les exécutants de demandes d’enquêtes, rapports, remontées d’information, en multipliant les projets à fin d’affichage. En bout de chaîne, professeurs et chefs d’établissement subissent un harcèlement, que l’informatisation a encore renforcé au nom du « choc de simplification ». Eux, en revanche, ne font pas trente-cinq heures, mais cinquante et au-delà.

Ajoutons que la fonction publique d’État ne comporte pas que des titulaires : elle tourne beaucoup grâce à des contractuels dont les retraites et la protection sociale sont quasiment nulles comparées à celles des titulaires. Qu’importe ! Eux au moins sont obligés de travailler.

Il y a ensuite l’aberration de toutes ces « hautes autorités » à travers lesquelles l’État se décharge sur des organismes à la composition mystérieuse de pans entiers de son autorité au nom du besoin d’expertise. Autant de fromages aussi, tout comme les inspections générales de tous les ministères qui accueillent ex-conjointes et maîtresses, collaborateurs, obligés, grands paresseux à recaser.

Ce qui nous mène à la haute fonction publique.

On dénonce rituellement le scandale des régimes spéciaux des gros bataillons de la fonction publique et des entreprises du service public. Que ne parle-t-on du scandale des régimes de retraite, de détachement, de cumul et de primes de la haute fonction publique, dont la compétence très approximative est garantie par un titre d’énarque ! Combien ai-je rencontré de magistrats comptables ou financiers incapables de lire un bilan, et de calculateurs attendant de savoir où le vent va tourner.

Le pire est que cette haute fonction publique décline ses comportements cauteleux tout au long de la chaîne de commandement. En bout de course, sur le terrain, ce sont les syndicats et les commissions paritaires qui dirigent. De là un autre mal : celui des arrangements locaux – surtout « ne pas faire de vagues ». Sur le papier, tout est en règle. En réalité, rien ou presque ne fonctionne selon la règle. Avant de demander à la fonction publique de travailler trente-neuf heures payées trente-cinq, on pourrait juste lui demander de travailler trente-cinq heures.

Je ne dis rien de l’effet de ces arrangements sur le comportement au travail des fonctionnaires : quasiment aucun juge ne commet jamais aucune faute professionnelle et pour être radié de la fonction publique il faut au moins avoir tué père et mère. On ne sanctionne pas, on déplace ou on promeut. Des exemples ? Chacun en trouvera dans sa propre expérience : depuis le courrier des impôts envoyé le 31 juillet jusqu’au message téléphonique laissé à 11 h 55 (avant la cantine) ou à 15 h 55 (avant le bus).

Je conseille surtout la lecture édifiante du monument qui illustre tout ce que je viens de dire : le bottin administratif et bottin des communes et de l’intercommunalité 2014, coffret en deux volumes. Pour 771 euros et 19 centimes et en 4 000 pages, vous mesurerez les travaux qui attendent Hercule.  

Vous avez aimé ? Partagez-le !