Un génocide ne se commet pas du jour au lendemain, sans signes précurseurs. Dès l’arrivée d’Hitler au pouvoir, on savait que les juifs étaient menacés, même si personne n’imaginait que la barbarie des nazis irait aussi loin… En 2004, après les tragédies survenues au Rwanda et dans les Balkans, le secrétaire général de l’ONU s’est donné un conseiller spécial « pour la prévention des génocides ».

Mais tout massacre de population civile ne peut être désigné ainsi. Ce crime suppose deux conditions : qu’il relève d’un plan concerté pour détruire un groupe humain ; et que les victimes soient tuées pour leur simple appartenance à ce groupe, comme ce fut le cas des Arméniens en Turquie. Cependant, le terme – créé en 1944 par le juriste polonais Raphael Lemkin à partir du grec genos (race, tribu) et du latin caedere (tuer) – est tellement frappant qu’on l’a appliqué à des situations aussi différentes que la guerre civile au Darfour ou les folies meurtrières des Khmers rouges au Cambodge. Le mot est même employé de manière rétroactive pour dénoncer par exemple le massacre des Indiens d’Amérique du Nord. D’aucuns rappellent « le génocide des Vendéens » en 1793, et des chantres de l’extrême droite s’en servent pour relativiser la Shoah.

Ce terme finit par être utilisé de façon absurde. À la fin de l’année dernière, une ancienne pédopsychologue de l’hôpital d’Étampes, indignée par une campagne de dératisation à Paris, a mis en ligne la pétition « Stoppez le génocide des rats ». Elle a recueilli plus de 17 000 signatures. À force d’entendre dire n’importe quoi, faudra-t-il dénoncer le génocide de la langue française ? 

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