Le revenu universel, faussement présenté comme égalitaire, procède de notre soumission aux dogmes de la religion égalitariste – qui s’avère si souvent inégalitaire… Nous vivons sur une conception erronée de l’égalité après que le désir légitime de la réaliser en 1789 a généré avec les jacobins de 1793 une religion égalitariste qui suppose que les hommes, bien sûr égaux en droit, devraient l’être également en talent.

L’humanité n’est pas faite de concepts interchangeables et de tailles égales, l’Homme, mais de subjectivités radicalement dissemblables, les hommes – au sens les humains. On ne donne jamais rien à l’Homme, parce qu’il n’existe pas. L’Homme, Diogène l’a cherché avec sa lanterne, il ne l’a jamais trouvé. On ne peut donner qu’aux hommes, à des hommes, à tel ou tel homme. L’argent donné à l’Homme est monnaie de singe introuvable ; l’argent donné aux hommes est monnaie sonnante et trébuchante.

Or, parmi les hommes, certains ont trop et d’autres trop peu. Donner un même revenu à tous, sous prétexte que nous sommes égaux en droit, est une vue de l’esprit. Car une somme d’argent est certes objective, cent euros pour Mme Bettencourt sont aussi cent euros pour le travailleur smicard qui ramasse ses poubelles, mais, dans la configuration subjective de leurs pouvoirs d’achat respectifs, la même somme n’est rien du tout pour la première et beaucoup pour le second.

Je tiens que le revenu ne doit pas être universel mais particulier, qu’il ne doit pas obéir à une fausse conception de l’égalité, transcendantale et livresque, mais à une égalité concrète, immanente et tangible.

Qu’on ne donne rien au riche pendant que sa part ira dans la poche du pauvre – ouvriers, paysans, employés, smicards, chômeurs, jeunes en formation, étudiants, femmes seules, mères célibataires, veufs et veuves, handicapés, victimes du terrorisme, accidentés de la route, malades en longue durée, ils ne manquent hélas pas… –, voilà qui désigne un cap de gauche. L’égalité, quand elle obéit aux lois religieuses de l’égalitarisme, génère l’injustice : car on donne l’équivalent de rien à celui qui a tout et trop peu à celui qui n’a rien alors qu’on pourrait lui donner plus. Cette fausse égalité est une véritable injustice. 

Il faut donc moins penser en termes d’égalité qu’en termes d’équité. Car l’équité définit l’égalité dans la justice – donc dans la justesse. D’un point de vue égalitariste, donner autant à Mme Bettencourt (à qui je demande pardon à l’avance de cette intégration dans mon dispositif casuistique…) et à la personne qui vide ses poubelles est juste ; mais du point de vue de l’équité, je trouve injuste qu’on ne donne pas plus à celui qui le mérite pour s’extraire de la pauvreté.

Le riche, qui a tout, n’a rien de plus avec une allocation dérisoire pour lui. Dès lors, on ne commet pas d’injustice en ne lui donnant pas plus. Pendant ce temps, le pauvre a plus s’il partage avec ses semblables les sommes non versées à ceux qui n’en ont pas besoin. 

Mieux : on ne commet pas d’injustice avec une répartition qui évite de donner à ceux qui ont ; et on augmente la justice en faisant du pauvre une personne qui le sera d’autant moins qu’elle aura bénéficié d’une somme devenue plus grande.

Quand Manuel Valls parle d’un « revenu décent », il incarne l’équité juste pendant que Benoît Hamon, avec son « revenu universel », prend le parti de l’égalité injuste. Pour une fois qu’il m’est permis de saluer une idée de l’ancien Premier ministre…  

Vous avez aimé ? Partagez-le !