Alep a donc rejoint la longue liste des villes martyres : Guernica, Hiroshima, Sarajevo, Grozny, Mossoul… Sachant qu’il y a deux Alep : l’Est, qui n’est plus que ruines ; et l’Ouest, où la vie continue, même s’il a subi des bombardements et a vu émigrer une partie de sa population, chrétienne notamment.

Beyrouth, où de nombreux Alépins se sont réfugiés, était également divisé entre Est et Ouest pendant la guerre civile (1975-1990). Ces quinze années de violences ont inversé l’image du Liban, qui était un exemple unique de cohabitation entre musulmans et chrétiens. « Libanisation » signifie désormais fragmentation. Et pour désigner le désordre ou le chaos, on s’exclame : « C’est Beyrouth ! » Le pays a beau être redevenu un régime multiconfessionnel, il a beau avoir inspiré de remarquables créations artistiques dans tous les domaines, rien n’y fait : l’étiquette infamante lui colle à la peau. 

Parlera-t-on demain de « syrianisation » ? Dira-t-on : « C’est Alep ! » ?

De jeunes artistes syriens, réfugiés au camp de Zaatari, à la frontière jordanienne, passent leurs journées à fabriquer des maquettes de monuments ou de quartiers dévastés par la guerre. Ces répliques miniatures ne sont pas destinées seulement à entretenir la mémoire : leurs auteurs pensent déjà à la reconstruction, alors qu’on n’a pas fini d’enterrer les morts.

Tôt ou tard, en effet, les villes martyres renaissent de leurs cendres. Mais il ne suffit pas de reconstruire, dans le même esprit (comme à Dresde) ou en inventant un autre urbanisme (comme dans le centre de Beyrouth) : il faut recoudre le tissu social, et cela demande des doigts de fée. 

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