À quelques jours du premier tour de la primaire de la droite et du centre, une seule certitude : le vainqueur sera un homme. Six hommes, une femme : le casting lui-même est masculin. Au-delà de leur part écrasante, les hommes candidats LR incarnent une vision traditionnelle de la masculinité.

La communication impose en effet aujourd’hui aux politiques de premier plan (qui y consentent volontiers) de mettre en scène leur intimité, c’est-à-dire la façade de leur vie privée qu’ils acceptent de donner à voir. Tous, à l’exception de Jean-Frédéric Poisson, trop outsider jusqu’ici pour être sollicité, se sont donc montrés au fil de leur carrière en père de famille et en époux. La place réservée à leurs femmes, destinées dans ces dispositifs de communication bien huilés à attester les qualités de leurs compagnons, est révélatrice. Deux d’entre elles, Carla Bruni-Sarkozy et Pauline Le Maire, ont des activités artistiques ; Isabelle Juppé a renoncé à sa carrière journalistique ; toutes se sont coulées dans le rôle de « conjointe collaboratrice », comme dans les couples où le mari est artisan ou exerce une profession libérale.

Dans une société française où près de 70 % des femmes entre 15 et 64 ans sont actives (contre 75 % des hommes), le modèle de couple des candidats à la primaire s’avère à la fois marginal, proche du mode de vie du noyau dur de leur électorat et… peu émancipateur.

Ces présentations de soi des candidats s’accordent bien à leurs programmes : chacun comporte un volet famille, avec rétablissement de l’universalité des allocations familiales ou du quotient familial ; Fillon promet une réécriture de la loi Taubira et Poisson, sa suppression. Ces propositions relèvent d’une conception conservatrice de la politique familiale, tandis que la question de l’égalité entre femmes et hommes a été rarement abordée pendant la campagne, et si Alain Juppé l’a justifiée, c’est en mettant en avant une vision stéréotypée des femmes qu’il présente comme une source d’« apaisement ». Quant à Bruno Le Maire, manifestement peu au fait des lents acquis en ce domaine, il a avancé que « notre culture [avait] toujours défendu l’égalité entre les hommes et les femmes ». Lors du deuxième débat, seules quelques minutes ont été consacrées à la possibilité d’un gouvernement paritaire – approuvée et entérinée par tous – ou d’une femme au poste de Premier ministre.

Au regard du renforcement constant des lois sur la parité depuis 2001, alors que jamais les femmes n’ont été aussi nombreuses dans les différentes assemblées politiques et au sein du gouvernement, ces constats peuvent paraître surprenants. Mais ils ne sont pas isolés. Sauf colossale surprise, le candidat du PS sera un homme. La seule femme qui pourrait être présente au second tour est Marine Le Pen, la moins féministe. Lorsque les règles de désignation politique ne sont pas contrariées par des dispositifs spécifiques comme celui des lois paritaires (ou par le coup de pouce d’un père qui transmet le parti familial en héritage), elles tournent en effet au profit des hommes – comme des plus diplômés ou des plus riches. C’est ce que l’on a coutume d’appeler, à la suite du sociologue Robert Michels, « la loi d’airain de l’oligarchie ». Enfin, face au fort accroissement du nombre de femmes dans des univers jusque-là quasi exclusivement masculins, tout se passe comme si nous assistions à un certain retour à l’ordre genré. La présence de Ségolène Royal au second tour de la présidentielle en 2007, le duel qui a opposé deux femmes pour la mairie de Paris en 2014, ne sont que d’éclatantes exceptions à la règle.

Nul ne peut préjuger de l’avenir, mais pour le moment, comme dirait Audiard, la politique au plus haut niveau, « faut quand même admettre : c’est plutôt une affaire d’hommes… »  

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