750 000 livres turques, c’était le prix d’un pain en Turquie en 2000. Une année plus tôt, il se situait à « seulement » 500 000 livres. L’inflation faisait alors  valser toutes les étiquettes. Pour se protéger de cette monnaie de singe, les ménages investissaient leurs économies en achetant des dollars, des marks ou de l’or. C’était une autre Turquie : les visiteurs étrangers étaient accueillis en anglais, en français, en allemand ou en russe, mais l’emploi d’un seul mot kurde pouvait conduire derrière les barreaux. 

La prison, le futur président Erdogan en sort tout juste. Il se prépare à fonder l’AKP, le Parti de la justice et du développement. En 2001, Kemal Dervis, vice-président de la Banque mondiale, devient ministre de l’Économie d’un gouvernement social-démocrate. Son statut d’expert lui permet d’assainir le système économique avec des remèdes chocs : autonomie de la Banque centrale, fermeture des banques insolvables, restructuration du secteur financier, etc.

En 2002, l’AKP gagne les élections législatives. Recep Tayyip Erdogan devient Premier ministre et poursuit l’œuvre de redressement économique du précédent gouvernement. L’inflation tombe à 20 % et le pays enregistre une croissance de près de 10 %. On parle de miracle turc. En 2005, la mise en circulation d’une nouvelle monnaie consacre l’aboutissement des réformes financières. Les prix sont divisés par un million, celui du pain passe de 1 500 000 à 1,5 livre. Dans les années suivantes et jusqu’en 2012, le PIB et les exportations doublent, l’inflation est à moins de 10 %. Erdogan accélère les réformes libérales, abolit la peine de mort, autorise l’usage de la langue kurde et s’attire les faveurs d’une classe moyenne qui s’endette, achète maisons, voitures, téléphones, et voyage partout dans le monde.

Aujourd’hui, si les difficultés politiques s’accumulent – de la guerre en Syrie à la multiplication des attentats, en passant par la présence de 2,8 millions de migrants et la récente tentative de coup d’État –, l’économie tient bon avec une croissance à 2 %. Des performances très honnêtes en dépit d’un chômage à 10 %. Sans doute une explication à la popularité et au maintien au pouvoir d’Erdogan. 

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