Alors que les forces de l’ordre sont engagées sur de multiples fronts – du maintien de l’ordre à la lutte antiterroriste  – et qu’émergent certaines critiques quant à l’usage abusif de la force, la formation des fonctionnaires de police est au cœur même des enjeux liés à la fonction policière.

Ce n’est que très tardivement que les pouvoirs publics ont compris l’importance de la formation des policiers. Il a fallu attendre 1914 pour que la première école professionnelle de police soit créée par le préfet de police Célestin Hennion, puis 1968 pour qu’apparaisse au ministère de l’Intérieur une première direction en charge de la formation : la direction des écoles et techniques de la police. Depuis cette date – et l’annonce récente de Bernard Cazeneuve sur la création d’une direction centrale de la formation en est l’illustration –, la situation de cette structure a été quelque peu instable : indépendante lorsqu’une volonté politique forte s’est fait jour en faveur de la formation, comme en 1985 avec la création de la direction de la formation de la police nationale par Pierre Joxe, elle a pu être amenée à fusioner avec d’autres fonctions, notamment la gestion administrative des corps, lorsque la formation est repassée au second plan des priorités policières.

Pourtant, la formation est une des réponses au mal-être policier, d’autant plus que le métier ne s’apprend plus uniquement sur le terrain. C’est pourquoi, depuis trente ans, notamment à la suite de l’élévation des niveaux de recrutement et à la présence d’une majorité de bacheliers parmi les élèves gardiens, d’importants changements ont été mis en œuvre.

Il convient tout d’abord de rappeler qu’il n’y a pas de formation unique mais une formation adaptée pour chacun des trois corps de la police nationale : celui des gardiens et gradés, qui ont un niveau bac, celui des officiers, recrutés avec une licence, et celui des commissaires de police, titulaires d’un master. Sa durée varie aussi : 12 mois pour les premiers, 18 mois pour les seconds et deux ans pour les derniers. 

Pour les trois corps, le modèle de la formation policière repose sur l’opposition entre théorie et pratique. Si les enseignements académiques sont nécessairement présents dans le cursus, les cas pratiques, les mises en situation, les retours d’expérience et, bien entendu, les stages qui ont pris de plus en plus de place. 

Au-delà des enseignements théoriques classiques, la gestion des situations conflictuelles et le respect de la déontologie, avec son corollaire, le discernement, se sont imposés comme des matières fondamentales. Le renforcement des capacités de jugement a ainsi été favorisé par l’adaptation des contenus de formation et le recours à la méthode pédagogique de l’approche par la compétence.

Parallèlement, les structures de formation ont développé des programmes visant à promouvoir l’intelligence des situations et une réflexion tenant tout préjugé à distance, en faisant preuve d’empathie vis-à-vis de son interlocuteur, qu’il soit usager, témoin, victime ou mis en cause. Cette démarche doit être intensifiée tant le comportement du policier face à l’usager du service public de la sécurité est l’un des principaux enjeux pour les années à venir.

Toutefois, la formation revêt un caractère essentiellement juridique et pratique. Il n’y a pas ou peu d’information sur l’économique, le social et, si le fait religieux est abordé, il n’est pas réellement mis en perspective. Or, le dialogue entre la population et les institutions repose sur une compréhension mutuelle, qui nécessite une bonne connaissance de l’autre, de sa culture et de son mode de pensée. Malheureusement, les grilles de lecture de certains groupes sociaux sont souvent méconnues, donc mal comprises et parfois sujettes à erreurs d’interprétation. 

Il faut dès l’école bien poser le principe d’une police au service du citoyen ; la formation doit donc être construite autour de cette idée. C’est par la qualité du recrutement, l’ouverture de la formation initiale et continue à des formateurs extérieurs à la police (et notamment des sociologues) que les changements pourront intervenir. Il convient aussi de renforcer la formation continue des policiers exerçant en zone difficile. Il est important qu’ils comprennent et connaissent mieux les populations auprès desquelles ils interviennent, pour faciliter les interactions, quelle que soit la situation. Cette formation doit leur permettre d’intégrer dans leur intervention, outre les dimensions légales et techniques, des dimensions psychosociales, communautaires et éthiques.

Les objectifs de la formation doivent découler d’une politique de sécurité claire, reposant sur des analyses qui pourraient être menées par un organisme stratégique d’évaluation de l’activité policière, de conseil et d’orientation des politiques gouvernementales dont l’Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) pourrait constituer l’élément précurseur. Ces formations devraient notamment intégrer l’enseignement des doctrines de police et surtout les tactiques ou les expériences dont on a pu mesurer et évaluer l’efficacité. Pour évoluer, la police a, en effet, besoin qu’un regard extérieur soit posé sur elle et que les connaissances scientifiques rencontrent enfin les pratiques opérationnelles. 

Vous avez aimé ? Partagez-le !