« Les loups sont entrés dans Paris », assurait Serge Reggiani d’une voix frémissante. « Cessez de rire, charmante Elvire / Soit par Issy, soit par Ivry / Cent loups sont entrés dans Paris. » Personne ne s’en était inquiété. Ce n’était qu’une chanson, d’ailleurs pas très claire : quand on les interrogeait sur cette allégorie, Reggiani et l’auteur du texte, Albert Vidalie, en donnaient des explications différentes.

Mais voilà qu’on attribue à des « loups solitaires » les récents massacres perpétrés ici ou là au nom de l’État islamique. Qui sont ces étranges canidés qui contreviendraient aux lois de l’espèce ? Sauf exception, les loups chassent en meute. Ils ne se présentent individuellement que dans Le Petit Chaperon rouge ou les fables de La Fontaine. 

Les hommes lourdement armés qui tuent sans pitié en criant le nom d’Allah agissent peut-être seuls, mais après avoir beaucoup fréquenté l’écran de leur ordinateur. Loups, peut-être, mais nourris de tous les bruits de la forêt cybernétique. Ils ont été à l’école de chacals, de vautours et de serpents devenus fous, qui leur ont prodigué conseils et encouragements, avec de solides promesses pour l’au-delà. Être seul ne veut pas dire isolé. Ces tueurs ont le sentiment d’appartenir à une communauté nombreuse, puissante, qui transcende les frontières. À moins d’avoir l’esprit fortement dérangé, on ne commet pas un massacre dans lequel on va trouver soi-même la mort sans être animé d’une foi aveugle et sans se sentir approuvé et admiré par beaucoup d’autres. Loups, si l’on veut, mais plus solidaires que solitaires. 

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