– Tiens ! T’es là, toi ?

– Évidemment. Avec les camarades, nous bloquons la raffinerie. Pas un litre ne sortira d’ici.

– C’est ridicule. Vos drapeaux, vos casquettes, vos saucisses-merguez, et tous ces pneus brûlés… On dirait des gamins qui cherchent à faire peur.

– Tu crois que vous avez l’air malin, vous, avec vos tenues de combat, vos matraques, vos véhicules blindés, tout ce cinéma…

– Fais attention, Paulo, tu parles à un CRS dans l’exercice de ses fonctions.

– Je parle à mon beau-frère, et je l’emmerde !

– Tu seras moins fier, dimanche, quand tu te pointeras à la maison. Je te signale que ta sœur ne décolère pas. Sans essence, elle ne peut pas faire ses soins à domicile, et elle saura te l’expliquer !

– Ah bon ? Parce que tu penses que dimanche je vais m’offrir un déjeuner en famille ? Dimanche, mon p’tit père, je serai encore ici, avec les camarades, si le charlot de l’Élysée n’a pas retiré sa loi El-Connerie.

– D’ici là, on vous aura dégagés. Avec des lacrymos, s’il le faut.

– Je rêve, ma parole ! Tu vas t’attaquer à des travailleurs ? Quand je t’entends, j’ai envie de dégueuler. Oui, de dégueuler… À propos, est-ce que tu as acheté nos billets de loto ?

– Bien sûr, patate. Tu m’as déjà vu ne pas les acheter ?

– Cette fois, je sens qu’on va gagner.

– Tu me dis ça chaque semaine, Paulo.

– Non, non, cette fois, je le sens vraiment, il y a une bonne énergie dans l’air. L’été prochain, mon p’tit père, fini les vacances au camping deux-étoiles de Quiberon. Ce sera les Seychelles ou l’île Maurice. Oui, si on gagne – et on va gagner ! – adieu la raffinerie. On sera les rois du pétrole. 

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