Quoi ? Il faudrait, paraît-il, passer au plus vite à la VIe République ? Et laisser tomber comme une vieille chaussette cette Constitution taillée pour les épaules historiques du seul général de Gaulle ? Il serait urgent, disent certains, de se débarrasser des oripeaux de ce pouvoir hybride qui mêle la république à la monarchie. Il est au contraire urgent de redonner son lustre d’antan à cette chère et vieille fonction présidentielle. Dans notre roman national, l’impression que nous avons toujours eue d’appartenir à une grande nation coïncidait avec des périodes où le pouvoir présidentiel était incarné avec force.

Sous Sarkozy et Hollande, le statut de chef de l’État a périclité à grande vitesse. Ni l’un ni l’autre n’ont mis en musique cette phrase de François Mitterrand : « L’autorité est un mystère et le mystère est… une distance. » Sarkozy et Hollande n’ont pas échoué à enfiler le costume à cause de la crise économique ou de la dégradation du contexte sociétal. Ils n’ont pas compris que leur pouvoir résidait aussi dans la manière de l’exercer, de le mettre en scène et de le vivre à chaque instant.

Plus que jamais, le peuple français ressent le besoin psychologique d’accrocher son destin commun à un repère politique fort et incarné. De Gaulle et Mitterrand jouèrent à merveille le rôle de monarque républicain. Mais, en même temps, ils incarnaient le repère. Tous deux possédaient une épaisseur historique incontestable. Surtout, leur incarnation présidentielle reposait sur un triptyque commun : le lien au terroir, le lien au sacré ou au spirituel, et une place affirmée dans le couple franco-allemand sans lequel la construction européenne est en panne. Y a-t-il plus mythique que de Gaulle et Adenauer ou Mitterrand et Kohl ?

Ces trois liens constituent le socle solide de l’incarnation présidentielle à la française. Ils sont absents chez Sarkozy ou Hollande : le terroir de Sarkozy est Neuilly ! Le lien au sacré ou au spirituel ? Brisé par Hollande avec le « mariage pour tous » aux yeux de ceux qui considèrent encore le mariage comme un sacrement religieux. La place de l’un ou de l’autre dans le « couple » formé avec la chancelière Angela Merkel ? Petite, voire ridicule.

Emmanuel Macron a saisi l’importance de ce triptyque : il a lancé son mouvement « En Marche ! », à Amiens (son terroir). Il a loué Jeanne d’Arc (lien au sacré)…En 2007 pour la présidentielle, Ségolène Royal avait aussi mis en musique ces dimensions de l’incarnation présidentielle : la Charente (terroir commun avec Mitterrand), le symbole d’une sorte de « Vierge blanche » sous la lumière des projecteurs des meetings (lien au sacré).

Ni Sarkozy ni Hollande n’ont incarné cette fonction présidentielle. Or, en plein malaise identitaire et économique, le peuple français – pour recouvrer son estime de soi – a besoin que l’image que lui renvoie le miroir de l’Élysée soit une image valorisante et construite. Nous avons besoin d’être fiers de celui qui gouverne ! Parce que nous avons besoin d’être fiers de nous-mêmes…

L’élection présidentielle de 2017 ne se fera pas sur un programme économique ou sur des promesses électorales. Elle se cristallisera en revanche sur la capacité des candidats à incarner la fonction présidentielle et le rang de chef d’État. 

Les Français ne veulent plus regarder l’image d’un président quelconque, ni celle d’un président normal. Ils veulent écrire une nouvelle page de notre roman national. Il en va moins, aujourd’hui, de la grandeur de la France que de notre faculté à vivre ensemble au sein de notre communauté républicaine. Et de continuer à construire notre nation. 

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