– Dites donc, Mitterrand, suivez-vous ce qui se passe en bas ?

– Oui, mon Général. Ils sont devenus fous. Une douzaine de candidats à droite, et qui sait combien à gauche ? N’importe qui se voit président. De notre temps, la fonction avait quand même une autre allure ! Moi, on m’avait même surnommé Dieu.

– Pourtant, Dieu sait si vous aviez craché sur les institutions de la Ve avant de vous glisser dans le costume ! Qu’est-ce que vous avez pu nous bassiner avec « le coup d’État permanent » ! 

– C’était une erreur, mon Général. Je me suis bien rattrapé ensuite, avec mon air de sphinx. Je vous sers du thé ?

– Oui, s’il vous plaît. Avec un nuage de lait… Sphinx ou pas, c’est quand même vous, avec vos amours cachées, qui avez commencé à perturber la vie politique.

– Elles étaient bien cachées, mon Général. Ma vie privée ne faisait pas l’objet d’un feuilleton public. Et l’on me respectait. Comme vous, j’en imposais.

– Disons que vous étiez craint. Quand on occupe la plus haute charge, il faut faire un peu peur. 

– Les Français veulent un monarque.

– Pas seulement, Mitterrand, pas seulement : ils veulent à la fois un monarque et quelqu’un qui leur ressemble. Hollande l’a compris. Tantôt il prend un air grave et bombe le torse, tantôt il fait le bon camarade et blague comme avant. Mais ça ne prend pas : ce Janus insupporte, autant que cet agité de Sarkozy.

– Je suis sûr qu’en bas ils nous regrettent. Imaginez un peu, mon Général, la gueule qu’aurait, l’an prochain, un match de Gaulle-Mitterrand au second tour !

– Vous rêvez mon ami. Remettez les pieds sur terre. 

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