Quel regard portez-vous sur l’évolution de l’économie collaborative ces cinq dernières années ?

Certains principes sont toujours d’actualité, telles les bases technologiques sur lesquelles elle repose. Je pense aussi à l’exploitation des actifs inutilisés, autre pilier de cette économie. En revanche, je suis préoccupée par l’évolution de certains usages : les services à la demande, propulsés par l’utilisation massive des applications mobile, se sont énormément développés. Je ne m’attendais pas à une croissance aussi « agressive », avec de telles levées de fonds et autant de bouleversements sectoriels.

Si vous deviez écrire votre livre aujourd’hui, l’écririez-vous de la même manière ?

Je conserverais toute l’analyse des origines de cette économie, le développement de ses principes de fonctionnement. Je mettrais peut-être un peu moins l’accent sur la notion de durabilité et sur les économies de ressources afin d’insister davantage sur l’impact des innovations technologiques sur les relations humaines. S’il était indispensable de parler des aspects écologiques de l’économie collaborative, je pense que ses effets sociaux auraient mérité de plus amples développements. À l’époque, je n’avais pas clairement entrevu la possibilité que certains acteurs puissent aussi rapidement obtenir des positions de monopole, ni les conséquences que cela aurait pour les usagers. Après la vague des pionniers, deux nouvelles vagues d’entrepreneurs se sont lancées dans le secteur avec une intention différente : faire des économies d’échelle en proposant plus d’actifs, de biens et de services... sans réellement se différencier des logiques à l’œuvre dans l’économie traditionnelle.

Peut-on toujours parler d’économie collaborative ?

Les services à la demande – le travail à la tâche – font polémique et les acteurs les plus connus occupent sans cesse la une des médias... Mais on oublie, en focalisant notre attention sur ces entreprises, qu’il existe des initiatives moins connues qui méritent autant, si ce n’est plus, d’attention. The Food Assembly, par exemple. [C’est le nom sous lequel La Ruche qui dit oui ! se développe à l’international.]

Tout se passe par moments comme si ce mouvement, dont les préoccupations étaient d’abord sociales, n’était plus qu’un marché commercial... Mais faire beaucoup d’argent n’est pas la seule manière de faire des affaires ! Je suis de plus en plus convaincue que nous devons davantage nous soucier des nouveaux modèles où les profits sont moins importants et où l’on ne cherche pas à grossir indéfiniment. 

L’économie collaborative est loin d’être morte, ne serait-ce que parce que les évolutions technologiques dont elle est porteuse créent un changement structurel. Mais il est nécessaire de s’arrêter sur les principes qui animent cette économie, sur les modèles économiques que l’on souhaite voir évoluer demain. 

 

Propos recueillis par ANNE-SOPHIE NOVEL

 

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