L’homme et la femme « modernes » veulent tout et son contraire. Et tout de suite. C’est même peut-être à cela qu’on les reconnaît, les « modernes » : à leur relation exaspérante avec le tout. En d’autres termes, plus directs, l’homme moderne est la pire des plaies, je veux dire un gamin gâté. Vous ne trouvez pas comiques tous ces politiques qui s’acharnent à devenir « publics » pour, une fois élus, se réfugier sous un casque dans l’espoir enfantin de préserver un soupçon de « privé » dans leur vie ? Et tout aussi désopilants ceux qui passent leurs journées à taper frénétiquement sur leurs portables et se scandalisent un beau jour d’être « écoutés » ? Nous ne valons pas mieux, nous les anonymes ou quasi qui voulons en même temps de la connexion et de l’intimité. Ce qui, bien sûr, est contradictoire. Notre seule protection est de n’intéresser personne. Qui voudrait tout savoir de nous le pourrait sans mal. L’indifférence est le seul remède à la transparence.

Ou alors il nous faudrait avoir le courage de suivre le précepte de deux de nos plus grands philosophes, Michel Berger et France Gall : « débranche tout ». C’est-à-dire revenir à l’ère prémoderne quand pour communiquer rien d’autre n’était possible que le tête-à-tête. Avec le risque d’avoir mal placé sa confiance. Quel beau livre serait l’histoire du secret à travers les âges ! On en apprendrait beaucoup sur l’inconséquence, sur l’hypocrisie et sur le besoin irrépressible de trahison qui sont trois des cœurs de la nature humaine.

Pour, si besoin, vous remonter le moral, je vous livre une expression qui m’enchante car elle mêle deux de nos sens : « écoute voir ». Elle a inspiré un très beau texte de Claudel sur la peinture, L’œil écoute.

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