Le philosophe Alain disait qu’il fallait commencer par admirer. Si l’on voulait finir par comprendre, au moins un peu, il fallait commencer par admirer, beaucoup. Cette méthode affirme qu’il est toujours trop tôt pour critiquer, et que la pensée naît d’une longue fréquentation d’un problème plutôt que d’un combat stérile de thèses opposées. Méditation plutôt que polémique... 

Ce mouvement mystérieux, lent, profond, de l’idée qui se déploie sur fond de confiance et de complicité, mais en se soumettant elle-même à l’épreuve du doute, ce mélange indissociable d’audace et de prudence, d’élan et de contrôle, c’est le dialogue qui en épouse le mieux la forme. Chaque semaine, je tenterai de faire entendre les voix qui discutent en nous à propos du sujet du 1, comme des personnages que jouerait notre propre pensée pour tâcher d’y voir plus clair.

Alain, évoquant ses « Propos d’un Normand » publiés dans La Dépêche de Rouen, disait avoir voulu « relever l’entrefilet au niveau de la métaphysique ». Ce « journalisme métaphysique » n’avait pas pour prétention de dire à son lecteur quoi penser – pas question de jouer à l’éditorialiste expert –, mais de lui offrir des « pinces pour saisir le réel ». « Que m’importe, disait-il, si Platon a bien pensé ce que j’y trouve, pourvu que ce que j’y trouve m’avance à comprendre quelque chose ? » 

La philosophie n’a pas à justifier tardivement son existence en offrant de décrypter l’actualité, elle a toujours forgé des outils pour penser le monde. Ces outils, chaque semaine, j’essaierai d’aller les chercher là où ils se trouvent, pourvu qu’ils nous avancent à comprendre quelque chose. Libre à chacun ensuite de s’en servir comme il voudra, ou d’en proposer d’autres.

Pour philosopher, disait Deleuze, il faut un ami. Tel est le vrai sens du mot « philosophie » : pas l’amour de la sagesse, mais la pensée par l’amitié. Cet ami, nous dialoguerons avec lui chaque semaine. En espérant que notre amitié de principe deviendra une amitié réelle.

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